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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/341

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UN MOT SUR LA POLÉMIQUE RELIGIEUSE.

de la pensée, et qu’il doit mettre dans un oubli profond l’habitude de commander et de régner sans contrôle. Par malheur, lorsqu’il admet la discussion, il semble qu’il ignore où la question est posée ; à entendre ses déclamations sur Locke et l’éclectisme, on dirait qu’il ne sait pas même où le danger le menace, et sur quel point le combat est désormais engagé. La question est posée cependant par la théologie moderne avec une précision à laquelle il est impossible d’échapper. Il ne s’agit pas des vagues théorèmes de la philosophie écossaise ; oh ! que le terrain est bien autrement brûlant, et qu’ils seraient peu avancés lorsqu’on leur accorderait tout ce qu’ils demandent avec une ingénuité véritablement effrayante ! Puisqu’ils en détournent la tête, il faut donc les ramener au point vital de toute la question. Depuis cinquante ans, voilà l’Allemagne occupée tout entière à un sérieux examen de l’authenticité des livres saints du christianisme. Ces hommes, de diverses opinions, d’une science profonde et incontestable, ont étudié la lettre et l’esprit des Écritures avec une patience que rien n’a pu lasser. De cet examen est résulté un doute méthodique sur chacune des pages de la Bible. Est-il vrai que le Pentateuque est l’œuvre, non de Moïse, mais de la tradition des lévites ? que le livre de Job, la fin d’Isaïe, ou, pour tout résumer, la plus grande partie de l’Ancien et du Nouveau-Testament sont apocryphes ? Cela est-il vrai ? voilà toute la question, qui est aujourd’hui flagrante, et c’est celle dont vous ne parlez pas. J’imagine que, si, au siècle de Louis XIV, de pareils problèmes eussent été posés, non pas isolément, obscurément, mais avec l’éclat qu’ils empruntent des universités du Nord, j’imagine que les prélats français ne se seraient pas amusés à combattre quelques vagues systèmes, mais qu’ils se seraient aussitôt attachés de toutes leurs forces au point qui met en péril les fondemens même de la croyance ; car enfin, dans ce combat où nous sommes spectateurs, nous voyons bien les adversaires de l’orthodoxie qui marchent sans jamais s’arrêter, profitant de chaque ruine pour en consommer une autre : nous ne voyons pas ceux qui les combattent, ou plutôt, les défenseurs de la foi, abandonnant le lieu du péril, imaginent de triompher subtilement de quelques fantômes sans vie, en même temps qu’ils désertent le sanctuaire où l’ennemi fait irruption. Mais nous ne cesserons pas de les ramener au cercle brûlant que la science a tracé autour d’eux. C’est là, c’est là qu’est le péril, non pas dans les doutes timides que se permet, par intervalle, l’Université de France. Depuis que la science et le scepticisme d’un de Wette,