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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/363

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L’ARCHIPEL DE CHAUSEY.

présence d’une source sur ce bloc de granit, à plusieurs lieues des côtes, est un fait très curieux et passablement difficile à expliquer. Les terres voisines ont trop peu d’étendue et surtout trop peu d’épaisseur pour qu’on puisse croire que leurs infiltrations suffisent à l’alimenter. D’un autre côté, il semble bien difficile qu’elle tire son origine du continent à travers les couches tourmentées de ces roches ignées. Cette dernière hypothèse est pourtant la moins improbable. Quoi qu’il en soit, l’eau de cette source, qui ne tarit jamais, est excellente, et les cotres de l’état y viennent renouveler leur provision, la trouvant bien préférable à celle qui se boit dans les ports voisins.

L’archipel de Chausey est essentiellement formé par une roche granitique d’un bleu pâle, divisée en couches plus ou moins épaisses dont la disposition uniforme se reconnaît surtout très bien au sud et au sud-ouest de la Grande-Île, ainsi que tout autour de l’Enseigne. Presque horizontales dans le centre des îles, ces couches s’inclinent vers les bords et s’enfoncent dans la mer en formant avec elle un angle aigu. Des fentes perpendiculaires au plan des strates et se coupant sous des angles variables partagent encore la masse de la roche et en favorisent l’exploitation. Un granit roussâtre, friable, connu dans le pays sous le nom de pierre pourrie, remplit ces divers interstices. Quelques filons de pegmatite, roche dont la décomposition fournit le kaolin, employé dans la fabrication des porcelaines, sillonnent çà et là ces masses granitiques, parsemées en outre de quelques rognons de quarz et de veines de mica. Nulle part on ne trouve la moindre trace ni des poudingues ou du granit rose de Jersey, ni de ces roches schisteuses, trappéennes ou quarzeuses, si communes à Saint-Malo. La roche de Chausey ne ressemble pas davantage à celle de Granville. Ainsi tout tend à faire regarder les terrains dont il s’agit comme ne se rattachant que d’une manière assez éloignée aux formations voisines.

Pendant la haute mer, l’observateur placé sur Gros-Mont n’aperçoit autour de lui qu’une quinzaine d’îlots presque de niveau avec la plaine liquide qui les baigne. De loin en loin, quelque écueil isolé se détache sur le vert glauque de la mer et arrête les lames qui s’y brisent en jetant leur blanche écume sur sa tête noircie. Mais bientôt le reflux se fait sentir ; la mer, après quelques oscillations, commence à baisser. Les îles grandissent peu à peu et s’entourent d’une large ceinture de roches tapissées de mousses noirâtres ou de longs fucus bruns qui pendent à leurs flancs comme ces