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L’ARCHIPEL DE CHAUSEY.

a promenées tour à tour du règne animal au règne végétal ; ce sont des plantes si voisines des animaux, qu’elles ont été long-temps classées parmi eux ; des animaux qui rappellent les plantes, qui en ont la tige, les rameaux, les fleurs, si bien que, pendant des siècles, les naturalistes ont cru à leur nature végétale. Les sables, la vase, s’agitent, traversés, fouillés, labourés en tout sens par les vers marins ; les pierres se couvrent de mollusques, de polypiers, de zoophytes de toute espèce, et le rocher lui-même semble s’entr’ouvrir pour que des familles entières puissent trouver une retraite dans ses fentes étroites.

Dans les sciences physiques, l’homme dispose en quelque sorte de l’objet de ses recherches. Dans l’examen d’une machine, par exemple, il peut étudier successivement chacune des parties, se rendre compte de son action et juger de l’effet d’ensemble. Il n’en est plus de même dès qu’il s’agit des sciences d’observation, de la zoologie en particulier. Ici il faut attendre, épier la nature. Chez les animaux placés au sommet de l’échelle, la multiplicité des actes vitaux nous masque trop souvent la vérité, et il nous est impossible d’ailleurs d’imiter le physicien, d’isoler un de ces phénomènes, car aussitôt l’ensemble disparaît, l’animal meurt. Mais, à mesure que l’observateur descend dans l’échelle des êtres, il voit l’organisation se simplifier, et la vie, sans cesser d’être la même dans son essence, restreindre en quelque sorte ses manifestations. La machine animale, si l’on peut s’exprimer ainsi, se démonte pièce par pièce pour nous révéler le jeu de chacune d’elles, pour nous montrer les grandes lois physiologiques dégagées de tout phénomène accessoire. Or, ces lois sont les mêmes pour le mammifère le plus élevé et pour le dernier des zoophytes ; pour l’homme, dont on étudie depuis des siècles l’anatomie si compliquée, et pour l’éponge, où tous les organes semblent se fondre en une seule masse homogène vivante dont la moindre parcelle jouit de toutes les facultés dévolues à l’ensemble. On comprend tout ce qu’il y a d’intérêt dans ces expériences que la nature semble avoir préparées de ses puissantes mains, tout ce qu’il y a d’avenir scientifique dans l’étude approfondie de ces êtres en apparence si méprisables. Aussi me tardait-il vivement de juger par mes yeux, et mon installation était à peine terminée, que je me mis de tout cœur à l’ouvrage.

J’étais surtout impatient de visiter le Sacaviron, chenal étroit qui sépare la Meule de l’Île aux Oiseaux, et dont la richesse zoologique m’était connue de réputation. Le jour de la grande marée de juillet,