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L’ARCHIPEL DE CHAUSEY.

venteur à part, il le mérite à plus d’un titre. C’est une espèce de synapte, genre de la famille des holothuries, dont les représentans n’avaient encore été rencontrés que dans les mers de l’Inde ou de l’Amérique. Figurez-vous un cylindre de cristal rosé, ayant quelquefois jusqu’à dix-huit pouces de long sur plus d’un pouce de diamètre, parcouru dans toute sa longueur par cinq petits rubans de soie blanche, et surmonté d’une fleur vivante dont les douze pétales, d’un blanc mat, se recourbent gracieusement en arrière. Au milieu de ces tissus, dont la délicatesse semble défier les produits les plus raffinés de notre industrie, placez un intestin de la gaze la plus ténue, gorgé d’un bout à l’autre de gros grains de granit dont l’œil distingue parfaitement les pointes vives et les arêtes tranchantes. Voilà ce qui me frappa tout d’abord dans cet animal, qui semble n’avoir littéralement d’autre nourriture que le sable grossier qui l’entoure. Et puis, quand, armé du scalpel et du microscope, je pénétrai dans son organisation, que de merveilles inattendues ! Dans ce corps, dont les parois avaient à peine un demi-millimètre d’épaisseur, je distinguai sept couches de tissus distincts, une peau, des muscles, des membranes. Sur ces tentacules pétaloïdes, j’aperçus des ventouses qui permettaient à la synapte de s’élever contre la surface polie d’un vase en cristal. Enfin cet être, si dénué en apparence de tout moyen d’attaque ou de défense, se montra protégé par de très petits boucliers calcaires hérissés de doubles hameçons dont les pointes, dentelées comme des flèches de Caraïbe, avaient prise jusque sur mes mains.

Lorsque je conservais pendant quelque temps des synaptes vivantes dans un vase d’eau de mer, je les voyais se morceler d’elles-mêmes. Elles renflaient leur partie postérieure en y accumulant l’eau qui circule sans cesse entre l’intestin et les tégumens ; bientôt un étranglement se formait, et la séparation avait lieu brusquement. Le jeûne était la seule cause de ces amputations spontanées. On dirait que l’animal, sentant qu’il ne peut se nourrir tout entier, retranche successivement les parties dont l’entretien coûterait trop à l’ensemble, à peu près comme on chasse les bouches inutiles d’une ville assiégée. Singulier moyen de combattre la famine, et qu’il emploie jusqu’au dernier moment ; car au bout de quelques jours il ne restait souvent qu’un petit ballon sphérique couronné par les tentacules. La synapte, pour conserver la vie à sa tête, s’était peu à peu retranché tout le corps.

Dans un de ses hymnes sacrés le prophète s’écrie : « Les cieux