messagers pleins de zèle et de dévouement portaient partout ses épîtres, qu’on recevait comme celles d’un autre saint Paul.
Maintenant, pour suivre la destinée des idées elles-mêmes, nous trouvons que, si le calvinisme a paru d’abord fortifier le christianisme en le réformant, il a fini par le compromettre. Le premier effet fut grand ; Calvin, avec un autre génie, mais non moins de puissance que Luther, faisait reparaître la tradition de saint Paul et de saint Augustin ; il offrait aux ames inquiètes et avides une nourriture forte, une ancre de salut. Il ranima incontestablement la foi, mais il n’en propagea pas beaucoup l’empire. Son dogmatisme si dur ne convenait pas au grand nombre : c’était plutôt la doctrine d’une minorité que la vérité pour tous. Les objections s’élevèrent de toutes parts. En poussant, comme il le fit, les opinions chrétiennes à l’extrême, Calvin provoqua le rationalisme. Sans le vouloir, il a travaillé aux progrès de la philosophie.
Il arrive souvent à l’homme d’être le moteur des idées qu’il a le plus combattues. Calvin, par la clarté de son style, par la vivacité de sa logique, avait rendu la théologie plus accessible à tous. Les formules scolastiques avaient disparu ; la pensée se produisait nette et frappante. Ainsi, par la forme autant que par le fond, le calvinisme offrait un beau champ aux raisonneurs, qui n’eurent garde de décliner le combat. Au XVIIe siècle, la réforme fut déchirée par les divisions de ses théologiens. Les églises de Hollande et d’Angleterre virent la doctrine de Calvin, niée hautement par Arminius et son école, qui pouvait s’honorer d’adhérens illustres, Grotius entre autres. Si nous poussons plus avant dans la suite des temps, nous rencontrerons non plus dans la théologie, mais dans la philosophie même, la trace de Calvin. — Il est né à Genève, il a, tout enfant, entendu prêcher l’Évangile, il s’est rendu familier de bonne heure avec les idées religieuses, l’homme qui fut dans son siècle le plus véhément apôtre du déisme. C’est le christianisme si clair et si absolu de Calvin qui l’excita à l’indépendance de la pensée, tout en retenant sur son esprit une secrète et indélébile influence. On s’étonnait beaucoup à Paris, dans le dernier siècle, des contradictions de Jean-Jacques, et de ses indécisions entre la raison et la foi. On ne songeait pas que, calviniste révolté, Rousseau même, après avoir secoué le joug, en avait en quelques endroits gardé l’empreinte.
Le calvinisme a suscité le jansénisme, et par là il a servi indirectement sa philosophie. Le jansénisme, dont désormais l’histoire ne sera plus obscure, grace aux ingénieux travaux de M. Sainte-Beuve,