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Faculté des Lettres depuis 1833, M. Patin a suffi, sans congé, sans suppléant, sans fatigue, au moins apparente, et, ce qui est plus méritoire peut-être, sans le secours de la déclamation ou du paradoxe, à tous les devoirs d’un professorat si prolongé, et cela sans que jamais le sérieux de l’érudition et la préoccupation des recherches aient nui à la facilité de la diction et à la discrète parure de la pensée ; enseignement vraiment académique et universitaire, où il y a comme un mélange d’Andrieux et de Rollin.

On n’attend pas de moi sans doute que je suive pas à pas l’auteur des Études sur les tragiques grecs dans l’examen détaillé des trente-deux tragédies que l’antiquité nous a léguées, et dont il a fait ou fera bientôt la fidèle et scrupuleuse analyse. Il nous suffira de dire que, dans les dix-sept drames qu’il a déjà examinés, M. Patin rappelle et apprécie toutes les critiques, recueille et confronte toutes les imitations, latines, françaises, étrangères, enfin conclut presque toujours avec sagesse, sagacité et bonne foi. À la fin du troisième volume, qui ne tardera pas à paraître, l’auteur se propose de résumer, dans une revue critique, les divers jugemens qui ont été portés jusqu’à ce jour sur la Tragédie grecque, et probablement aussi de nous donner, sous une formule plus générale, son jugement définitif, et, à proprement parler, ses conclusions. Ce sera seulement quand ce morceau final aura paru qu’il sera convenable d’apprécier et de discuter, s’il y a lieu, l’ensemble des opinions de M. Patin, que nous faisons déjà sans doute plus que prévoir, mais que nous ne connaissons cependant encore que par des aperçus partiels, et en quelque sorte par fragmens.

M. Patin a fait précéder ses études sur Eschyle, Sophocle et Euripide, d’un intéressant travail de près de deux cents pages sous le titre d’Histoire générale de la tragédie grecque. M. Patin sait mieux que personne que deux cents pages, quelque bien remplies qu’elles soient, ne sauraient suffire à une tâche aussi étendue et aussi complexe que celle d’offrir une histoire vraiment générale de la tragédie grecque. Il a fait entrer beaucoup de notions importantes et de faits curieux dans son cadre ; mais il a dû en omettre beaucoup d’autres qui ne le sont pas moins. M. Patin prend la tragédie à Thespis et la conduit, à travers toutes ses révolutions, je dirais presque à travers tous ses déguisemens, jusqu’à son réveil en Italie au XIXe siècle sous la plume érudite de Mussato. Au milieu de tant et de si délicates recherches, on ne sera pas surpris que la critique trouve ici et là, quelques observations à présenter. Je ne crois pas, par exemple, parfaitement exacte l’opinion de M. Patin sur la formation des