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bestiaux. M. Hippolyte Passy établit que, dans le département de l’Eure, le nombre des bêtes bovines a doublé, et celui des moutons s’est élevé de 150 p. 100 de 1800 à 1837. Il ne faut pas oublier d’ailleurs le fait fort curieux que Mac-Culloch a révélé, savoir que la consommation moyenne de Londres en viande est moindre que la consommation moyenne de Paris.

Quant aux autres produits, les Anglais l’emportent pour les chevaux, mais nous les dépassons à notre tour pour les boissons. Nos vins ont plus de valeur que leur bière. Nous avons en outre plusieurs produits qu’ils n’ont pas, comme la soie, l’huile, etc.

Somme toute, on peut estimer que la production agricole française dépasse notablement la production anglaise, malgré tous les moyens de perfectionnement dont celle-ci dispose. Avec nos avantages naturels et l’immense supériorité du chiffre de notre population agricole, nous devrions produire, avons-nous dit, deux fois et même trois fois plus que l’Angleterre. Certes, c’est beaucoup accorder à l’habileté de la mise en œuvre que de n’évaluer qu’à un tiers la différence actuelle. La production agricole anglaise serait alors à la production française comme 2 est à 3.

Passons à la production industrielle et commerciale. Sur ce point, l’avantage revient aux Anglais, mais dans une moindre proportion qu’on ne croit.

Ici encore nous avons deux chiffres qui peuvent nous servir d’indices. Le premier est celui de la population industrielle et commerciale des deux pays. En Angleterre, cette population est égale à près de la moitié de la population totale, soit 11 millions d’ames environ. En France, elle est égale à un peu moins d’un tiers, soit 9 millions.

Le second chiffre est celui du commerce extérieur, tel qu’il est constaté par la somme annuelle des exportations de produits indigènes et des importations de produits étrangers. En France, le commerce général d’importation a été, en 1840, d’un milliard 52 millions ; en Angleterre, il a été, en 1839, d’un milliard 557 millions (53,233,000 livres sterling) : différence en faveur de l’Angleterre, 500 millions ou un tiers. Le commerce spécial d’exportation a été, en France, de 695 millions ; en Angleterre, d’un milliard 330 millions (53,233,000 livres sterling), ou un peu moins du double. C’est beaucoup sans doute que cette différence entre l’Angleterre et la France, mais ce n’est pas ce qu’on suppose généralement. Avec son immense monde colonial et l’activité si renommée de ses manufactures, l’Angleterre devrait, ce semble, faire encore un plus grand commerce extérieur ; et en effet, pour qui voit les docks de Londres et les manufactures de Manchester, les uns immenses réservoirs de tous les produits du monde, les autres gigantesques ateliers d’une fabrication indéfinie, il est difficile de ne pas croire que le commerce et l’industrie des Anglais sont dix fois supérieurs aux nôtres.

Les chiffres, qui ont bien aussi leur éloquence, donnent cependant, comme on voit, d’autres résultats. Plusieurs causes tendent à produire cette différence entre l’apparence et la réalité. D’abord la France est trois ou quatre fois plus grande que la partie industrielle du royaume-uni, et sa