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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/683

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REVUE. — CHRONIQUE.

richesse industrielle et commerciale est moins accumulée sur un ou deux points. Marseille et le Hâvre sont très loin l’un de l’autre ; Paris n’est pas en même temps, comme Londres, une capitale et un port de mer ; Lyon et Mulhouse, Elbeuf et Saint-Étienne, ne sont pas réunis.

Puis, les produits anglais étant, en général, moins chers que les nôtres, il en faut de plus grandes masses pour arriver aux mêmes valeurs. Ce dernier fait n’est pas un des moins importans à constater quand on veut établir une comparaison entre les deux pays, car il se reproduit sous plusieurs formes. Non-seulement à masse égale les produits français ont plus de valeur, mais à valeur égale ils donnent plus de bénéfices.

Dans son ardeur commerciale, l’Angleterre exporte beaucoup de produits de qualité inférieure, ou qui même ne sont qu’à demi manufacturés. Ces sortes de produits donnent, comme on sait, peu de gain, et c’est là surtout qu’il importe de se rattraper sur la quantité. Or, l’exportation anglaise étant à peine le double de la nôtre, la différence de la quantité n’est pas telle qu’elle détruise l’importance de la qualité. Les produits français sont pour la plupart des produits de luxe qui doivent les trois quarts de leur prix à la main-d’œuvre, ce qui constitue la véritable richesse industrielle.

Enfin il est une dernière considération qui atténue encore la différence entre le commerce extérieur des deux pays, c’est que, dans les états de la douane française, les marchandises sont portées en général fort au-dessous de leur valeur véritable, tandis qu’en Angleterre elles sont estimées très près de cette valeur.

Malgré ces observations, nous ne voulons pas dire que la France soit exactement l’égale de l’Angleterre industriellement et commercialement. Nous avons voulu montrer seulement que la distance n’est pas aussi grande qu’on pourrait croire, et qu’elle est bien près d’être franchie. La France a fait des progrès encore plus grands en industrie qu’en agriculture depuis le commencement du siècle ; une seule de nos industries, celle des tissus de coton, ne produit pas moins maintenant d’un milliard de valeurs par an. Elle n’existait presque pas en 1815.

Ce que nous venons de dire ne s’applique, il est vrai, qu’au commerce extérieur, mais le commerce extérieur est le seul qui puisse être constaté par des chiffres positifs ; on sait d’ailleurs que c’est surtout par ce commerce que l’Angleterre prétend manifester sa supériorité. Dira-t-on que le commerce intérieur rétablit la disproportion ? Il est difficile d’admettre que les dix-sept millions de consommateurs de la Grande-Bretagne, car les huit millions d’irlandais comptent pour bien peu de chose, alimentent un commerce intérieur bien plus considérable que celui qui satisfait aux besoins de trente-cinq millions de Français.

L’aisance moyenne est plus grande en France que dans le royaume-uni. La France n’a pas autant de millionnaires que l’Angleterre, mais l’Angleterre n’a pas à son tour les onze millions de cotes foncières de la France. La promenade de Hyde-Parck ou les courses d’Epsom peuvent présenter à