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peut-il être une déclaration de blocus ? Je ne le crois pas. À mon avis, un blocus est une sorte de déclaration de guerre ; c’est une mesure prise pour faire du mal à un ennemi, et pour l’amener, par les conséquences funestes qui résultent pour lui de la fermeture de ses ports, à transiger d’une manière favorable à la nation qui demande réparation. Le blocus est une des nombreuses manières de faire la guerre. Une nation y a recours, surtout quand elle n’a pas la volonté ou qu’elle ne se sent pas en état de faire à une autre nation une guerre organisée. C’est un moyen moins violent, plus commode, moins compromettant, si l’on veut, de faire la guerre ; mais, je le répète, c’est un acte de guerre.

Or, quelle était la position de l’Angleterre vis-à-vis de la Chine ? Il y avait eu évidemment scission entre les autorités chinoises, chargées de réprimer un commerce qu’elles considéraient comme funeste au pays, et l’agent dont la mission était de diriger le commerce anglais en Chine. Il serait difficile de nier que le gouvernement chinois n’eût le droit d’intervenir, comme il l’entendait, dans le règlement de ses affaires intérieures. Admettons, cependant, que l’Angleterre pût avoir la prétention de refuser à la Chine l’exercice de ce droit, qu’elle ne permettrait certainement pas qu’on lui refusât à elle-même ; la conséquence serait que le gouvernement anglais avait officiellement à se plaindre d’actes commis par des autorités chinoises avec l’approbation présumée de leur gouvernement. Que résultait-il de cette position ? Ou l’Angleterre considérait la Chine comme étant en dehors du droit des nations, ou bien elle devait suivre, dans le règlement de sa querelle avec cette puissance, la marche qu’elle eût suivie si elle avait eu affaire à une nation civilisée, la France par exemple. Si l’Angleterre avait à se plaindre d’un acte arbitraire commis contre des sujets anglais par des agens du gouvernement français, voire même d’un acte émané directement de ce gouvernement, il est probable qu’avant d’avoir recours à une mesure hostile, elle entrerait en explications et ne déclarerait la guerre à la France que lorsque la voie des négociations aurait été épuisée sans qu’elle eût pu obtenir satisfaction. Si, au contraire, l’opinion du cabinet britannique était qu’avec un gouvernement comme celui de la Chine, il ne devait pas régler sa conduite d’après les considérations politiques qui servent de base à une transaction entre deux puissances civilisées, pourquoi cherchait-il à entrer, comme nous le verrons tout à l’heure, en négociation directe avec le gouvernement de ce pays ? Il est difficile de sortir de ce dilemme : ou l’expédition anglaise était envoyée en Chine pour commencer immédiatement la guerre contre ce pays, et alors toute négociation devenait inutile ; ou le but de sa présence était d’appuyer, par un grand déploiement de forces, les négociations qu’on voulait entamer, et dès-lors la déclaration du blocus et les hostilités qui la suivirent immédiatement étaient plus qu’inutiles, elles étaient impolitiques.

Il est, d’ailleurs, reconnu que, de même qu’on a tort chaque fois qu’on proclame un droit sans l’appuyer, un gouvernement commet également une faute très grande lorsqu’il prend sur lui la responsabilité d’une mesure qui