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mens inutiles de part et d’autre, car pas un seul Chinois n’a eu l’occasion de gagner les récompenses promises, et les proclamations du plénipotentiaire anglais n’ont eu d’autre résultat que de faire croire à la population chinoise qu’on voulait la séduire, politique dont elle ne comprenait pas la portée. Du reste, l’expérience de tant d’années passées en Chine semble avoir été perdue pour les agens britanniques. Ils ont traité la nation chinoise comme ils auraient traité une nation européenne. Ils n’ont pas réfléchi que le peuple compte pour bien peu de chose dans la balance politique de la Chine, et que dans le gouvernement est toute l’action, toute la puissance. Généralement, les commissaires de l’Angleterre ont trop parlé au peuple ; ils espéraient sans doute faire pénétrer dans son sein des idées d’indépendance qui auraient rendu leur tâche plus facile ; ils se sont certainement trompés et dans le but et dans les moyens ; toutes ces proclamations, ces promesses, ces protestations sans fin, n’ont pas fait faire le moindre mouvement à la population, et elles ont plus que jamais inquiété le gouvernement chinois sur les tendances des puissances étrangères. Elles ont rendu les négociations plus difficiles. Il fallait faire à la Chine une guerre ouverte et franche, ou, si on voulait négocier, laisser le peuple de côté et ne s’adresser qu’au gouvernement. Tous ces efforts faits pour se concilier la population devaient nécessairement échouer contre la haine religieuse et nationale des Chinois pour tout ce qui est étranger. Les agens anglais se sont laissé séduire par quelques démonstrations peu sincères et sans valeur, faites par des Chinois de Canton, accoutumés à vivre du commerce étranger ; ils ont jugé la masse par quelques exceptions isolées, et l’expérience de ce qu’ils ont vu et éprouvé plus tard doit leur avoir démontré outre mesure le peu de fondement de leurs espérances.

À Macao, au centre de l’influence étrangère, si jamais celle-ci peut avoir existé en Chine, la haine de la population se manifestait chaque jour. Je ne reparlerai pas du massacre de l’équipage du Black-Joke, de l’incendie du Bilbaino ; mais, dans les rues même de la ville portugaise, des actes de lâche violence étaient commis par les Chinois. Un Anglais, M. Stanton, fut enlevé presque sous les murs de Macao et conduit à Canton. À Chusan, plusieurs officiers anglais, qui comptaient trop sur les bonnes dispositions des habitans, s’étant aventurés à quelque distance de la ville occupée par les troupes anglaises, furent saisis par les Chinois et transportés à Ning-po, d’où tous les efforts du capitaine Elliot, qui se rendit immédiatement sur les lieux, ne purent les faire relâcher. L’enlèvement de M. Stanton produisit une pénible impression sur la communauté anglaise. Le capitaine Smith, qui avait pris le commandement de la frégate la Druide et celui du blocus de la rivière, fut prié par ses concitoyens d’employer son influence pour obtenir la mise en liberté de leur compatriote. Les réclamations de cet officier ne pouvaient guère avoir accès auprès du commissaire impérial, auteur de tant d’édits récens dont le seul but était d’engager les Chinois à attenter, chaque fois qu’ils en trouveraient l’occasion, à la vie des Anglais. Il s’adressa donc au gouverneur de Macao, lui représentant que l’enlèvement de M.  Stan-