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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/82

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donné, l’Université et la philosophie ont été traquées de toutes parts par les journaux religieux. Il est évident que les auteurs de ces attaques ne les ont pas dirigées avec la modération nécessaire, et que des passions long-temps contenues les ont fait sortir des bornes de la polémique.

Il est résulté de cette animosité qui se faisait voir dans les attaques, une égale vivacité dans les réponses, et aussitôt les partis s’en sont mêlés ; triste entourage pour des questions de religion et de philosophie. Comme les prêtres criaient au monopole de l’Université, les universitaires ont crié à la réaction religieuse, au retour de la restauration ; et voilà comment on dénature toujours toutes choses. Un professeur enseigne une mauvaise doctrine ; donc tous les professeurs pervertissent la jeunesse. On entend dans un cours, on lit dans quelque article une phrase condamnable, donc il faut tout de nouveau faire la guerre à la philosophie. De l’autre côté, on ne se montre guère plus raisonnable. Des partisans de la liberté de l’enseignement se mettent à soutenir provisoirement l’Université. Parce que les catholiques attaquent la philosophie avec violence, ils voudraient leur refuser le droit de la discuter, et de se plaindre en public de l’enseignement des professeurs. S’il y a véritablement une tentative de réaction religieuse, comme on l’appelle, c’est, à coup sûr, lui faire beaucoup d’honneur que de la prendre au sérieux ; il se passera bien des choses en France avant qu’on rétablisse la loi du sacrilége, ou que l’on défende à un juif de publier des ouvrages où il expose les motifs de sa croyance. Si la réaction religieuse que l’on veut faire consiste tout simplement à rendre les hommes plus religieux, dans le sens philosophique du mot, ou à raffermir la foi catholique, par des prédications et des publications quotidiennes, périodiques ou autres, qu’y a-t-il dans une réaction de cette espèce qui ne mérite le respect, sinon la coopération de tout honnête homme ? Quant au droit de discuter des doctrines philosophiques, de rendre compte d’un cours public, de le blâmer ou de l’approuver, j’avoue que je ne saurais comprendre qu’on pût même concevoir la pensée de le contester à qui que ce soit. Les professeurs institués par l’état exercent une magistrature de l’ordre le plus élevé, ils ont droit au respect de tous, pourvu qu’ils s’en montrent dignes ; mais, précisément à cause de ce que leur mission a de grave et d’élevé, ils doivent être soumis à la discussion et à la critique, et cela est tellement vrai, que, si l’on venait par malheur à abolir pour tout le monde le ré-