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DU MOUVEMENT PHILOSOPHIQUE.

Il ne se peut pas qu’un homme dévoué tout entier à la science en parle publiquement avec conviction, avec enthousiasme, sans rencontrer quelques jeunes esprits empressés de se donner à elle sous ses auspices. Les facultés nouvelles n’ont peut-être pas eu encore tout le temps nécessaire pour s’acclimater ; cependant, à Rennes et à Lyon, les cours sont suivis avec empressement. M. Lacordaire absorbe l’attention des Bordelais ; mais qu’importe ? l’intérêt qui nous préoccupe, ce n’est ni celui d’une chaire, ni celui de l’Université : c’est l’intérêt de la morale, l’intérêt de la philosophie, et nous ne le séparons pas de celui de la religion. À Montpellier, le vénérable abbé Flotte, qui a inauguré le nouvel enseignement philosophique, ne peut pas avoir le zèle et l’activité que déploient ses jeunes collègues de Lyon et de Rennes ; il a de la maturité, de l’érudition, une considération personnelle acquise par un long séjour et une vie honorable, et qui tourne au profit de la science qu’il est chargé de représenter. Parmi les facultés d’institution plus ancienne, quelques chaires sont entourées de la foule, d’autres sont délaissées ; cependant il serait injuste et déraisonnable de mesurer le talent et même le succès des professeurs sur le nombre d’auditeurs qu’ils attirent. La philosophie ne rencontre pas partout le même intérêt ; un cours de philosophie ouvert à Metz n’aurait pas un seul auditeur, celui de Strasbourg ne peut guère être désert. Il y a des professeurs qui ne font aucun sacrifice au désir d’être populaires et qui croiraient se ravaler au rang d’un histrion s’ils flattaient les passions du public pour l’accaparer. Il peut s’en rencontrer aussi, qui, sous prétexte de rendre la science attrayante, lui font perdre son austérité, et prostituent la philosophie aux partis dans l’enseignement comme d’autres le font dans leurs livres. Un professeur d’une de nos villes méridionales écrivait, il y a quelques années, cette phrase assez curieuse : « Le cours de M*** a vingt auditeurs ; celui de M. Bautain, à Strasbourg, en a cent ; celui de M. Jouffroy, à Paris, deux cent cinquante ; celui de l’auteur cinq cents. » Il n’en concluait pas sans doute, et personne ne sera tenté d’en conclure que le cours de l’auteur était fait avec plus de talent que celui de M. Jouffroy.

On s’est beaucoup occupé, dans ces derniers temps, du cours de M. Gatien-Arnoult, à Toulouse, et de celui de M. Ferrari, à Strasbourg. Quelques membres du clergé, ayant vu ou cru voir que ces enseignemens étaient hostiles à la religion chrétienne, les ont attaqués avec une grande vivacité, et aussitôt, comme à un signal