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fournissait. Il est dit dans le Prologue que l’auteur résolut d’imiter Boccace (qui faisait fureur à la cour de François Ier), si ce n’est en une chose, qui est de n’escrire rien qui ne soit véritable. Brantôme, élevé, à la cour de la reine de Navarre, et petit-fils de la sénéchale de Poitou, dit quelque part que sa grand’mère savait tous les secrets des Nouvelles de Marguerite, et qu’elle en estoit une des devisantes. La nouvelle citée plus haut, et relative à l’entreprise de Bonnivet, est un exemple de la vérité des contes de la reine de Navarre. Au reste, elle met en scène son père, le comte d’Angoulême, François Ier, le duc d’Alençon, des personnes de la cour, Louise de Savoie, sa mère ; elle s’y met aussi plus d’une fois.

« Il y aurait, dit M. Génin dans le chapitre intéressant qu’il a consacré à ce livre de Marguerite, à faire sur les Nouvelles un travail curieux ; ce serait de lever le voile, transparent en quelques endroits, plus épais en d’autres, qui nous dérobe l’intelligence complète des contes de la reine de Navarre. Il faudrait éclaircir les allusions, deviner les indications imparfaites, et qui deviennent plus obscures à mesure que nous nous éloignons davantage de l’époque où l’auteur écrivait. Mais ce soin exigerait une main circonspecte et délicate. Les boutades de l’érudition aventureuse et paradoxale, si fort à la mode aujourd’hui, n’y seraient nullement de mise. Il faudrait, pour ne point laisser de doute dans l’esprit des lecteurs, que le doute se fût présenté souvent à l’esprit du commentateur. Il faudrait enfin pour cette besogne un homme assez habile pour ne pas craindre d’avouer qu’il ignore quelque chose. À cette condition, un intérêt véritable pourrait s’attacher à ses recherches et à ses découvertes. »

Les Nouvelles de la reine de Navarre ont eu une réputation équivoque, et on les a souvent mises au même rang que les contes de La Fontaine. M. Génin prétend que c’est faute de les avoir lues. Il fait remarquer que la reine de Navarre ne manque jamais de tirer de ces contes une moralité qui en est la glose, et qui souvent dégénère en un véritable sermon, en sorte que chaque histoire n’est, à vrai dire, que la préface d’une homélie. Les infidélités des femmes et des maris, les fautes ou les crimes suggérés par la passion, tout cela lui sert de texte à des réflexions graves, parfois sévères ; elle tire de la fragilité humaine la preuve qu’il faut se défier toujours de ses forces, et par conséquent implorer sans cesse le secours d’en-haut, sans lequel notre sagesse d’ici-bas n’est que folie. M. Génin ajoute que cette habitude de ramener tout à la piété forme le caractère essentiel du livre, que chaque page, chaque ligne, en porte l’empreinte, et que