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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/905

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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

plaine immense qui s’étend jusqu’à la mer Noire et à la Moldavie, ou plutôt qui n’a plus de bornes, car c’est déjà la steppe du Nord. À Choumla repose, dans un superbe mausolée, le dernier grand-visir qui a su vaincre les Russes, le célèbre Hassan-Pacha, mort durant les guerres contre l’impératrice Catherine. Choumla, dans une position à la fois enchanteresse et formidable, renouant comme un point central toutes les routes danubiennes, n’était encore, il y a cinquante ans, qu’une place insignifiante ; elle renferme aujourd’hui 60,000 habitans. Le grad, le varoch et la palanke de Choumla ne sont bâtis qu’en bois ; la citadelle seule a été flanquée de murs en pierres de taille, et pourvue par des ingénieurs prussiens, en 1836, de casemates, de glacis et de portes. Ils y ont aussi élevé deux vastes casernes situées au bas du rocher, et où l’eau jaillit de nombreuses fontaines jusque dans les plus hauts appartemens.

Le grad ne renferme que des Turcs, au nombre de plus de trente mille ; ce quartier est rempli de riches mosquées à coupoles de plomb, qui brillent d’un éclat pareil à celui de l’argent. Le varoch renferme cinq à six mille Bulgares ; le reste de la population se compose d’Arméniens, de Grecs et d’Israélites ; chaque nation a ses rues et ses temples à part. Dans les campagnes contre l’Autriche et la Russie, Choumla a toujours servi de camp retranché aux Turcs, qui, invincibles dès qu’ils combattent adossés à une redoute, y ont souvent obtenu d’importantes victoires sur les Moscovites. C’est ici qu’en 1771, ils ont mis en déroute l’armée de Romanzof. Choumla est encore aujourd’hui la principale place d’armes de la Turquie européenne et la clé de Stamboul du côté du nord. Malheureusement la palanke, avec son immense réseau de batteries et de fortifications en terre élevées tout autour de la ville, est ceinte de contrevallations si étendues, que, pour les défendre dans un siége, il faudrait une garnison de cinquante mille combattans.

Bien moins imposante, la forteresse de Varna, à dix-huit lieues de Choumla, est peut-être, grace, à sa position escarpée qu’aucun point ne domine, plus assurée contre les chances d’un siége ; mais, depuis que les bombes russes l’ont ruinée, en 1829, elle n’a point été complètement rétablie. Sa nouvelle et vaste caserne n’est encore protégée que par des parapets en bois. Le Turc sent bien que cette place n’a pas l’importance stratégique de Choumla ; que, prise, elle ne livre point le passage des Balkans, et peut tout au plus protéger la retraite de l’ennemi. Le seul et inaliénable avantage de Varna consiste en ce qu’elle est le principal port de mer des Bulgares. Ga-