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extermination de ces derniers. Ce furent les janissaires de la Serbie qui donnèrent le signal. Le haidoukisme, qui n’avait pu s’organiser en Bulgarie, parvint alors à se constituer en Serbie, et sauva les populations de cette province, qui avaient en vain imploré l’assistance du divan. En 1804, les brigands qui peuplaient les cavernes des monts serbes et bulgares s’élevèrent à un plus noble sentiment de leur destinée. L’un d’eux, le fameux Veliko, Serbe élevé à Vidin, commença dans le Tserna-Reka la guerre nationale et contre Pasvan et contre les dahis. Malheureusement les Bulgares, trop amis de la paix ou dominés peut-être par l’habile Pasvan, ne suivirent point cet élan généreux, et leurs haïdouks furent forcés d’émigrer en Serbie. Là tous les capitaines des bandes slaves, sentant le besoin d’agir de concert, se donnèrent pour chef suprême Tserni-George, battirent partout les janissaires, et les refoulèrent jusqu’à Belgrad, dont ils firent le siége. Pressés par la faim, les quatre dahis s’évadèrent, emportant dans quatre grands bateaux leurs immenses trésors et comptant trouver asile chez leur suzerain Pasvan. Furieux de leur évasion, les haïdouks les poursuivirent par terre, le long du Danube, et, les voyant aborder dans Orchova, ils forcèrent le commandant turc de cette place à leur livrer les têtes des tyrans. Un chef de bande, Milenko, alla lui-même dans la forteresse, suivi de ses soldats, couper ces quatre têtes, qui, apportées dans le camp des haïdouks, y furent plantées sur des lances.

L’année suivante, les derniers Krdchalis, réduits à une poignée d’hommes, revinrent à Vidin à travers mille dangers, et les Bulgares du Danube, en voyant reparaître dans un si triste état leurs anciens oppresseurs, se repentirent trop tard de n’avoir pas pris une part plus active à la guerre d’émancipation. Leur regret fut d’autant plus vif que la Porte, désespérant de réduire Pasvan, l’avait enfin reconnu comme visir légitime de la Bulgarie.

Les guerres des Russes sur le Danube, en 1810 et 1811, achevèrent de désorganiser l’islamisme. La discorde éclata au sein de la nation turque, et se propagea jusque dans les garnisons de Bulgarie ; une vieille haine, mal éteinte, se ralluma entre les soldats de Rouchtchouk[1] et les janissaires de Vidin, qui s’étaient un moment réunis contre l’ennemi commun. Le successeur de Pasvan, qui était son molla ou secrétaire, et qui n’est connu dans le pays que sous le

  1. Cette ville était devenue, depuis l’avènement de Mahmoud, le foyer d’intrigues du parti réformiste.