Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/937

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
931
LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

voit le divan serbe intervenir, et de la manière la plus machiavélique, dans les affaires du Balkan. Cependant les Serbes, pasteurs indolens et guerriers, s’ils subjuguaient les Bulgares, en feraient ce que les Arabes ont fait des laborieux fellahs ou des anciens Égyptiens : à force d’exploiter leurs sueurs, ils les plongeraient dans le dernier abrutissement. Ce que nous disons des Serbes peut également s’appliquer à la Moldo-Valachie. L’incorporation de la Bulgarie avec l’état aristocratique des Moldo-Valaques agirait même sur cette malheureuse contrée d’une manière encore plus radicalement destructrice.

Le cabinet d’Athènes est le seul, parmi les gouvernemens de la péninsule, qui ne puisse avoir sur les pays bulgares que des prétentions éloignées. Aussi n’est-il pas de peuple qui appelle plus les sympathies des Bulgares que les Grecs ; la différence de nature qui les distingue rend précisément la rivalité entre eux presque impossible. Fier de ses facultés intellectuelles, c’est par elles que le Grec aspire à régner ; le Bulgare, au contraire, sentant sous ce rapport son insuffisance, est très disposé à recevoir l’impulsion des Hellènes, pourvu qu’ils le laissent labourer et récolter en paix ; or les Grecs, marins et marchands, sont tout prêts à faire cette concession aux Bulgares, trop heureux d’avoir de bons voisins qui exécutent à leur place les travaux champêtres, et fournissent à leurs fabriques les matières premières. Grace à ce besoin qu’ils éprouvent l’un de l’autre, les deux peuples fraternisent de plus en plus. Tous les Bulgares éclairés connaissent la langue grecque ; ils aiment à la parler comme à l’écrire : c’est, disent-ils, la langue de nos instituteurs, de ceux qui ont civilisé nos pères, et qui nous rendront les arts que nous avons perdus. Leur penchant pour la Grèce est tel, qu’ils accepteraient peut-être sans aucune résistance une mesure qui réunirait leur pays au royaume d’Athènes.

On ne remarque pas assez quelle action puissante les Grecs exercent dans toute la péninsule ; c’est par eux que le commerce vit ; par eux, les lumières se répandent, les esprits se développent, et les nationalités elles-mêmes se réveillent. On doit dire, en faveur de l’hellénisme, que la Bulgarie compte ses meilleurs patriotes parmi les philhellènes. Partout où l’influence grecque agit plus directement, le Bulgare a un sentiment plus vif et plus précis de sa dignité. C’est ce qu’on observe surtout de Sofia à Salonik. Dans les villages construits entre ces deux limites, la maison du Bulgare s’élève à la