Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/954

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
948
REVUE DES DEUX MONDES.

la noble confiance qu’ils avaient d’abord en eux-mêmes et dans l’avenir de leur pays.

Nous ne nous arrêterons que sur ce qui occupait Mounier par-dessus tout, sur ce qu’il regardait toujours avec raison comme le premier devoir de l’assemblée, comme le seul remède aux maux de la France, le travail de la constitution. La constitution faite, il eût été peut-être encore temps d’arrêter le mouvement. Un comité définitif de rédaction avait été nommé dans la séance du 14 juillet, presqu’au moment même où la Bastille était prise. Il se composait de huit membres : Mounier, l’évêque d’Autun, Sieyès, Clermont-Tonnerre, Lally-Tollendal, l’archevêque de Bordeaux, Chapelier et Bergasse. Nommé le premier, et à une majorité immense, Mounier fut encore l’homme le plus influent du comité. Certes, il était difficile de conserver, au milieu des scènes ardentes de chaque jour, le calme qui convient à des législateurs ; le comité comptait d’ailleurs parmi ses membres quelques-uns de ces esprits systématiques qui, traitant les nations comme des abstractions, veulent à toute force leur appliquer des règles absolues aussi incompatibles avec le monde moral qu’avec le monde physique. Mounier n’en poursuivit pas moins son dessein avec une fermeté d’esprit admirable, et finit par faire adopter presque toutes ses propositions. Dans le courant du mois d’août, plusieurs rapports furent présentés, tant par lui que par Lally, sur les principes de la constitution. Nous allons donner des extraits des plus importans.

La première question qui se présentait était celle de la déclaration des droits. Une opinion fort généralement répandue alors voulait que tout travail pour la constitution fût précédé d’une exposition métaphysique des droits de l’homme et du citoyen. Mounier était peu partisan de cette idée, qui appartenait plus à des philosophes qu’à des législateurs ; il avait cédé cependant et proposé lui-même une déclaration, mais en accompagnant cette proposition de réserves judicieuses. « Les Anglais, disait un des rapports, ont plusieurs actes qui constatent leurs droits et qui sont les fondemens de leur liberté. Dans ces divers actes, ils ont constamment évité toutes ces questions métaphysiques, toutes ces maximes générales susceptibles de dénégation, de disputes éternelles, et dont la discussion atténue toujours plus ou moins le respect de la loi qui les renferme. Ils y ont substitué ces vérités de fait qu’on ne peut entendre que d’une manière, qu’on ne peut réfuter d’aucune, qui n’admettent ni discussion ni défini-