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LES MONARCHIENS DE LA CONSTITUANTE.

sonne n’appellera. Mais qu’il existe deux chambres au lieu d’une, la première portera plus d’attention à ses décisions, par cela seul qu’elles doivent subir une révision dans la seconde. La seconde, avertie des erreurs de la première, se prémunira d’avance contre un jugement erroné, etc. »

Voici maintenant comment s’exprimait le rapporteur sur la composition de ce troisième pouvoir. « Le sénat sera-t-il formé de ce qu’on appelle à présent la noblesse et le clergé ? Non, sans doute. Ce serait perpétuer cette séparation d’ordres, cet esprit de corporation, qui est le plus grand ennemi de l’esprit public, et qu’un patriotisme universel concourt aujourd’hui à éteindre. Le sénat serait composé de citoyens de toutes les classes, à qui leurs talens, leurs services, leurs vertus, en ouvriraient l’entrée. Le nombre pourrait en être fixé à deux cents. Cette magistrature, cette dignité nationale serait-elle pour un temps limité ? serait-elle à vie ? serait-elle héréditaire ? pour un temps limité, ne manquerait-elle pas son but ? pourrait-elle acquérir cette conscience, se former cet esprit, trouver cet intérêt distinct, nécessaire, pour mettre un poids de plus dans la balance politique ? Ne serait-ce pas, au lieu de deux chambres, deux bureaux d’une même chambre ? D’un autre côté, c’est une forte objection contre l’hérédité qu’un individu naisse investi d’une magistrature judiciaire et politique, par conséquent dispensé de la mériter et sûr de l’exercer, même sans capacité pour la remplir. Enfin à qui appartiendrait le droit de nommer les sénateurs ? peut-être trouvera-t-on que faire nommer les sénateurs par le roi, sur la présentation des provinces, et ne les faire nommer qu’à vie, serait le moyen le plus propre à concilier tous les intérêts. L’influence du roi existerait ; elle serait modérée ; le sénat ne serait composé que de citoyens choisis ; la durée de cette magistrature, qui serait à vie, la perpétuité de ce sénat, qui ne se renouvellerait qu’insensiblement et par individus, y formeraient les nuances nécessaires pour différencier les deux chambres, autant qu’il le faudrait, sans les rendre étrangères l’une à l’autre. »

Ce plan fut accusé d’aristocratie ; il était cependant plus démocratique encore que ce qui existe aujourd’hui. Une erreur grave s’était glissée dans cette conception du sénat ; c’était le principe de la limitation du nombre. L’expérience et la réflexion ont appris depuis de quel danger serait pour la chose publique l’existence d’un corps dont les autres pouvoirs ne pourraient pas modifier les élémens dans un moment donné. Il y a aussi dans le projet une disposition qui trouve