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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/960

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encore faveur dans quelques esprits, mais qui n’a pas été inscrite dans notre loi constitutionnelle : c’est l’union de la présentation élective et du choix royal dans la nomination d’un pair ou d’un sénateur. À notre avis, on a pris le meilleur parti en écartant toute participation directe de l’élection au recrutement de la pairie, et sous ce rapport, comme sous celui de la limitation du nombre, l’esprit si sage de Mounier nous paraît avoir failli. Mais il n’est pas moins remarquable que ce soit l’excès de démocratie qui soit à reprendre dans son projet de constitution ; rien ne fait mieux mesurer la distance parcourue depuis 1789 que de voir réclamer maintenant comme une extrême exigence par les plus grands partisans de la démocratie ce qui était offert sans succès, au commencement de la révolution, par les plus zélés soutiens de l’autorité royale. Lally se plaint, dans une note de son rapport, que le sénat proposé par le comité de constitution ait été comparé au conseil des dix et à l’inquisition d’état de Venise, et il se croit obligé de réfuter sérieusement cette absurdité. Où est aujourd’hui l’écrivain politique qui oserait soutenir un moment une pareille comparaison ?

Sur plusieurs autres points, le projet du comité était encore trop démocratique. Ainsi il refusait au roi la proposition des lois, par cette raison que la loi, étant l’expression de la volonté générale, devait nécessairement naître au milieu des représentans de tous. C’était mériter le reproche de métaphysique qu’on avait fait avec juste raison à la déclaration des droits. Mais ce qui recommandera toujours ce projet à l’estime des esprits politiques, c’est ce qu’il contenait sur la sanction et le veto. Le roi et le sénat auront-ils un veto ? ce veto sera-t-il illimité ou suspensif ? Le rapporteur prouva parfaitement que tout pouvoir qui n’aurait pas le droit illimité de veto n’était pas un pouvoir. Il cita et développa ce mot de Montesquieu, dans le livre XI de l’Esprit des Lois : Si la puissance exécutrice n’a pas le droit d’arrêter les entreprises du corps législatif, celui-ci sera despotique ; car, comme il pourra se donner tout le pouvoir qu’il peut imaginer, il anéantira toutes les autres puissances. Ces idées sont à peu près vulgaires aujourd’hui ; elles étaient alors hardies et généralement peu comprises.

Tout le monde sait quel soulèvement terrible finit par éclater contre les propositions du comité de constitution. Toutes les passions du dehors firent irruption dans l’enceinte de l’assemblée. Des cris de mort furent proférés contre ceux qu’on n’appelait plus que les fauteurs du despotisme. L’immense majorité des députés partageait les