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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/963

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LES MONARCHIENS DE LA CONSTITUANTE.

il proposa et défendit tous les accommodemens de détail, toutes les concessions de forme, qui pouvaient ménager l’amour-propre des ordres privilégiés et les amener plus vite à un rapprochement. Il fut un des premiers à ouvrir des négociations avec Mirabeau pour essayer de le ramener au roi, et cette seule démarche suffirait pour prouver qu’il était doué à un haut point de l’esprit politique. Il appuya de sa parole et de son vote les propositions du comité de constitution. Après le départ de Mounier et de Lally, il resta presque seul avec Clermont-Tonnerre pour soutenir leurs opinions communes. Tant que durèrent les orageux débats qui remplirent deux années entières, il ne manqua pas un moment à ce rôle difficile : véritable modèle de résolution et de vertu, en même temps que de modération et de sagesse.

Ce serait recommencer l’histoire de l’assemblée constituante que d’essayer de suivre Malouet dans sa longue et pénible lutte. Trop faible pour rien empêcher, il ne peut se faire illusion sur le résultat de ses efforts, et cependant, insulté par les pamphlets, hué par les tribunes, interrompu presqu’à chaque mot par une partie de l’assemblée, menacé de mort chaque jour, il s’obstine à faire fermement et tranquillement son devoir. Quelquefois il parvient à forcer l’attention et à commander la déférence de ses ennemis, mais le plus souvent il ne recueille que des outrages. Nous avons montré l’attitude de Mounier à l’ouverture de l’assemblée ; nous allons montrer celle de Malouet à la fin. Nous aurons ainsi donné la première et la dernière parole de leur parti. C’était au moins d’août 1791 ; l’assemblée allait se séparer, la constitution était terminée ; il ne s’agissait plus que de la revoir dans son ensemble avant de la promulguer. Glorieux et informe mélange de vérités sublimes et d’erreurs funestes, cette constitution posait les principes que la révolution était venue proclamer, mais en même temps elle contenait les dispositions dont les monarchiens n’avaient pu empêcher l’adoption, et qui la rendaient inexécutable, comme l’établissement d’une chambre unique, le veto suspensif, etc. La situation générale du pays était formidable ; les clubs organisés couvraient le territoire ; la fuite de Varennes avait livré le roi, qu’on gardait à vue dans son palais ; l’attitude menaçante de l’Europe soulevait à l’intérieur de violentes colères ; les décrets de persécution se multipliaient ; les plus intrépides courbaient la tête devant la fatalité ; la terreur approchait. Malouet ne se laissa pas étonner ; au moment de sortir de la vie publique, il voulut déposer