Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/99

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
93
LITTÉRATURE ANGLAISE.

À la même époque, un homme d’infiniment d’esprit et de beaucoup moins d’habileté que Baillie, prédicateur célèbre, connu déjà par un ou deux ouvrages historiques et théologiques qui avaient eu du succès, s’enrôlait sous les drapeaux contraires. Il se nommait Thomas Fuller. La canniness de Robert Baillie lui manquait absolument, et, tout spirituel, tout loyal qu’il fût, il trouvait moyen de déplaire au parlement, dont il condamnait la révolte, au roi, dont il n’admettait pas les prétentions absolues, et aux courtisans, dont il blâmait les mœurs licencieuses. Cependant il était sincèrement royaliste. Les puritains brûlèrent sa bibliothèque ; il perdit ses prébendes, et eut de la peine à devenir fort peu de chose : chapelain dans l’armée royaliste.

Ce sont les œuvres de ces deux personnages si divers que l’on réimprime à droite et à gauche. Elles sont pleines de détails très curieux sur les guerres civiles d’Angleterre, et rien n’est plus amusant pour un observateur des hommes que de voir d’une part le madré Baillie[1] jeté dans les rangs fanatiques des amis de Cromwell, d’une autre, l’ardent, aimable et vertueux Fuller[2], mêlé à l’armée débauchée des royalistes, nous faire le portrait des deux camps. Des ouvrages, des lettres, des mémoires que ces deux hommes ont écrits ou publiés, s’échappent mille traits de lumière, charmans pour qui sait voir, parfaitement obscurs et insignifians pour qui ne se place pas au point de vue historique de leurs caractères respectifs. La réimpression simultanée de leurs œuvres peut servir de leçon aux gens de parti ; deux hommes honnêtes, assez modérés l’un et l’autre, viennent comme par force, sous Charles Ier et Cromwell, occuper un rang principal dans les deux armées ennemies, le plus moral parmi les plus libertins, le plus rusé parmi les plus fougueux :

…… Mes bons amis, cela doit nous apprendre
Que le Très-Haut fait de nous ce qu’il veut ;
Dieu va comme il lui plaît, — et l’homme comme il peut[3].

On ne pourra pas désormais écrire l’histoire de cette époque

  1. The Letters and Journals of Robert Baillie, principal of the university of Glascow, 1637-1662 ; edited by David Laing.
  2. The Church History of Britain, 3 vol. ; — The Worthies of England, 3 vol., — The History of the Holy-war, 1 vol. ; — The Holy state and the Profane state, 1 vol. ; — Good thoughts in bad times, and good thoughts in worse times, 1 vol., by Thomas Fuller, 1840 and 1841.
  3. Hamlet, act. III.