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là le nec plus ultra de son habileté, jusqu’à ce qu’un jour un grand évènement vienne briser toutes ses toiles d’araignée et amener des résultats imprévus.

La querelle du tarif, qui divise aux États-Unis la présidence et le congrès, est loin d’être terminée. Les défenseurs du bill usent de tous les moyens que leur offrent la constitution et le règlement, pour annuler le veto du président et fonder, malgré lui, le système qu’ils ont imaginé. Ils finiront par l’emporter. Les États-Unis aussi veulent se précipiter dans une voie qui leur sera un jour bien funeste.

L’Amérique du Sud est toujours un vaste théâtre de troubles, de guerres civiles et de massacres. Ce sont des enfans indisciplinés, ignorans, plusieurs même féroces, que les circonstances ont émancipés avant que leur caractère fût formé et leur raison développée. Ce qui s’est passé à Buénos-Ayres ne peut plus être conçu en Europe ; la plume se refuse à décrire de pareilles horreurs. Les états plus avancés, tels que le Mexique, ne présentent pas un spectacle si dégoûtant ; mais partout règne le désordre, l’insubordination, la révolte. Ce sont des républiques où ne se trouve pas un seul des élémens propres à fonder un état républicain : nul respect de la loi, nul amour du travail, nulle modération dans les désirs, pas de calme, pas de réflexion dans les esprits. Aussi tout ce qu’ils font est éphémère ; tout ce qui s’élève manque de fondemens. Si un homme de quelque valeur vient à paraître sur ce théâtre mobile, tout ce qu’il peut espérer, c’est de voir ses créations durer autant que sa vie ; toute pensée d’un plus long avenir est une chimère.

En présence d’un semblable désordre, il est tout naturel de se demander quand donc cela finira-t-il ? Quelle sera l’issue définitive de ce drame aussi horrible que varié ? Il y a vingt-cinq ans qu’on se fait cette question, et le drame continue, et les péripéties se multiplient et deviennent de plus en plus révoltantes. Des peuples égarés et qui se trouvent, par leur position géographique, éloignés de toute influence salutaire, retrouvent difficilement la bonne route, et si la science n’avait pas imprimé de nos jours à la civilisation une marche très rapide, si elle ne lui avait pas donné une puissance de diffusion qui tient du prodige, on pourrait se demander si ces peuples ne marchent pas vers la barbarie. L’Europe les sauvera par la merveilleuse propagation de sa lumière et par l’enseignement de l’exemple, plus encore que par une intervention politique et directe ; nous disons l’Europe, car les États-Unis ne sont pas destinés, ce nous semble, à jouer un rôle important dans l’Amérique du Sud. Il pourra se former sous leur influence quelque établissement particulier, plus ou moins considérable, surtout dans les parties peu habitées des anciennes colonies espagnoles ; mais l’Amérique du Sud, les parties peuplées et comparativement civilisées de ce vaste continent, le Mexique par exemple, conservent dans leur décadence et dans leur désordre deux élémens de vie que nul ne peut leur arracher. Ils sont Espagnols par les mœurs, catholiques par les croyances. Ce sont là des barrières que l’Amérique du Nord ne brisera jamais. Toute opinion contraire ne serait qu’une généralisation