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REVUE. — CHRONIQUE.

plus ou moins spécieuse, mais sans base. Ajoutons que rien n’est plus tenace, je dirais presque plus indestructible, que les habitudes et les croyances des peuples méridionaux. L’histoire l’atteste, l’histoire de tous les pays et de tous les temps. Ce n’est pas dans le midi que, lors de la réforme, les peuplades abandonnaient la messe pour le sermon, par arrêté du prince ou du conseil d’état. Nul ne sait l’avenir des peuples du sud de l’Amérique. Mais, quelle que puisse être la nature de leurs institutions politiques, la forme de leur gouvernement, nous sommes convaincus qu’ils resteront Espagnols et catholiques, et que toute infusion d’une autre race ne peut être qu’un fait partiel et sans importance.

Les troubles qui agitaient les districts manufacturiers de l’Angleterre sont apaisés. Nous ne voulons pas dire que l’harmonie soit complètement rétablie entre les ouvriers et les entrepreneurs, entre les deux grands producteurs, le travail et le capital. La situation politique s’est améliorée ; la situation économique reste au fond la même : un capital immense, des myriades de travailleurs, une production proportionnée à ces moyens, et des marchés qui, sous l’influence du système prohibitif si long-temps prôné par les Anglais, se ferment à leurs produits. Ces crises douloureuses sont tout naturellement suivies d’intermittences qui laissent respirer, et qui, pour peu qu’elles se prolongent, font oublier la gravité et les causes du mal. L’homme se croit si facilement guéri ! Il est toujours dupe de ses espérances. Toute crise, par les souffrances qu’elle traîne à sa suite, décime la population ; d’un autre côté, pendant le chômage occasionné par les troubles, une partie plus ou moins considérable de produits s’écoule ; l’équilibre entre l’offre et la demande se rétablit tant bien que mal ; toute chose paraît reprendre une marche régulière, jusqu’à ce que la pléthore se reproduise et qu’avec elle reparaissent tous les accidens et les dangers qui l’accompagnent.

M. Bugeaud continue à déployer en Afrique une grande activité. Abd-el-Kader a trouvé un adversaire redoutable qui ne lui laissera ni trêve ni repos. M. Bugeaud a bien étudié les Arabes ; il en a compris le génie, les mœurs, les habitudes, les tendances. Il sait à quel ennemi il a affaire et quel parti on peut tirer des tribus qui reconnaissent la domination française. De nouvelles et importantes soumissions ont eu lieu tout récemment encore. De nombreux auxiliaires se rangent aujourd’hui sous le drapeau de la France ; des relations commerciales s’établissent et s’étendent de jour en jour. Les marchés s’approvisionnent, et l’armée commence à trouver en Afrique une partie des ressources qui lui sont nécessaires. Si la nouvelle campagne qui se prépare donne les résultats qu’on a le droit d’en attendre, l’œuvre de la colonisation pourra être poursuivie sur une grande échelle et rapidement avancée. Elle offrira toutes les conditions de sécurité désirables ; les communications seront faciles ; les travailleurs ne redouteront pas les ravages de la guerre et les surprises de l’ennemi. La vigilance de l’autorité saura alors se porter sur un point capital, sur les rapports à établir entre