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REVUE. — CHRONIQUE.

« Méhémet-Ali et Abd-el-Kader sont les deux plus illustres représentans de l’islamisme contemporain. Le premier doit aux rapports établis entre l’Europe et l’Égypte une renommée plus universelle ; les exploits du second restent sans témoins et sans échos par suite des difficultés presqu’insurmontables que le Maroc oppose aux voyageurs étrangers. Mais le fait seul de sa résistance prolongée si long-temps, en face d’une nation aussi puissante et aussi avancée dans la civilisation que la France l’est aujourd’hui, constate chez Abd-el-Kader une réunion bien rare de talens guerriers et d’habileté politique.

« Ce prince, continue le panégyriste passionné, descend d’une des plus anciennes familles de l’Arabie. Ses ancêtres, bien avant l’occupation romaine, étaient investis de l’autorité royale sur une portion du territoire. Sa taille est d’environ cinq pieds sept pouces (anglais). Il a le teint blond, les yeux d’un bleu clair, la figure ovale et une physionomie qui respire la douceur et l’intelligence. Ses conceptions sont rapides et son sang-froid merveilleux, deux qualités qui le mettent au niveau des difficultés les plus graves et les plus imprévues. Élevé comme Napoléon, il eût certainement rivalisé de gloire avec le célèbre conquérant[1]. Vêtu comme la plupart des chefs arabes, il porte le burnous blanc orné de gros glands de soie au capuchon et sur le devant. Un burnous noir en poil de chameau est jeté négligemment sur le premier. Le cordon blanc ou noir, également en poil de chameau, qui fait plusieurs fois le tour de sa tête par-dessus le capuchon du burnous blanc, indique la religion à laquelle il appartient. En effet, on ne porte guère de turban chez les Arabes ; mais ceux qui se rangent parmi les descendans directs du prophète se servent d’un cordon vert pour attacher leur burnous, tandis que le cordon blanc ou noir est employé sans distinction par tous les vrais croyans. Aux yeux de ces derniers, quels qu’ils soient, Abd-el-Kader est le défenseur légitime de leur religion commune, et par conséquent le chef naturel de la guerre sainte. C’est à ce point de vue que la lutte contre l’invasion française est envisagée non-seulement par tous les Arabes, mais aussi par tous les sectateurs du prophète. »

Toujours selon M. Scott, les diverses nations du continent sont appréciées d’une façon très diverse par les fanatiques Arabes, en raison de leurs différences de culte, réelles ou supposées. Ils croient, par exemple, que les Anglais ne sont pas entièrement chrétiens, mais que leur religion amphibie tient une espèce de milieu entre le christianisme et la vraie foi. Leur tradition à cet égard est que Mahomet avait une grande prédilection pour le peuple an-

    il se contenta de jouer auprès d’Abd-el-Kader un rôle équivalant à celui de conseiller d’état, et de plus il s’immisça, comme suppléant de Mannucci, dans la direction des affaires extérieures. C’est dans l’exercice de ces fonctions mal définies qu’il vient d’être arrêté par nos marins.

  1. Nous laissons volontiers à M. Scott la responsabilité de ses opinions, et c’est pour cela que nous les rapportons avec une fidélité scrupuleuse.