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SOUVENIRS DE GRENADE.

Vega. Les Tours Vermeilles, ainsi nommées à cause de leur couleur (Torres Bermejas), et que l’on prétend d’origine romaine ou même phénicienne, occupent la première et la moins élevée de ces éminences. L’Alhambra, qui est toute une ville, couvre la seconde et la plus haute de ses tours carrées, reliées entre elles par de fortes murailles et d’immenses substructions, qui renferment dans leur enceinte des jardins, des bois, des maisons et des places. L’Albaycin est situé sur la troisième colline, séparée des autres par un ravin profond encombré de végétations, de cactus, de coloquintes, de pistachiers, de grenadiers, de lauriers-roses et de touffes de fleurs, au fond duquel roule le Darro avec la rapidité d’un torrent alpestre. Le Darro, qui charrie de l’or, traverse la ville tantôt à ciel découvert, tantôt sous des ponts si prolongés, qu’ils méritent plutôt le nom de voûtes, et va se réunir dans la Vega, à peu de distance de la promenade, au Genil, qui, plus modeste, se contente de charrier de l’argent. Cette course du torrent à travers la ville s’appelle la Carrera del Darro, et du balcon des maisons qui la bordent on jouit d’une vue magnifique. Le Darro tourmente beaucoup ses rives et cause de fréquens éboulemens ; un ancien couplet chanté par les enfans fait allusion à cette manie d’entraîner tout, et en donne une raison grotesque. Voici la poésie en question :

Darro tiene prometido
El casarse con Genil
Y le ha de llevar en dote
Plaza nueva y Zacatin

Le Darro a promis
De se marier avec le Genil
Et veut lui apporter en dot
La Place-Neuve et le Zacatin.

Les jardins appelés Carmenes del Darro, dont il est fait de si ravissantes descriptions dans les poésies espagnoles et moresques, se trouvent sur les bords de la Carrera, en remontant du côté de la fontaine de los Avellanos.

La ville se trouve divisée en quatre grands quartiers : l’Antequerula, qui occupe les croupes de la colline ou plutôt de la montagne couronnée par l’Alhambra ; l’Alhambra et son appendice le Generalife ; l’Albaycin, autrefois vaste forteresse, aujourd’hui quartier en ruine et dépeuplé ; Grenade proprement dite, qui s’étend dans la plaine autour de la cathédrale et de la place de la Vivarambla, et forme un quartier séparé.

Tel est à peu près l’aspect topographique de Grenade traversée dans toute sa largeur par le Darro, côtoyée par le Genil, qui baigne l’Alameda (promenade), abritée par la Sierra-Nevada, qu’on entrevoit