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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 31.djvu/301

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DES ÉTUDES ÉGYPTIENNES EN FRANCE.

comme d’un seul bloc de rocher, sans lourdeur néanmoins, d’un dessin régulier, d’un goût correct et d’une imposante sévérité. Après le pylône, on trouve une cour péristyle, puis un portique et une suite de salles obscures. Leurs plafonds de pierres sont soutenus par de puissantes colonnes, dont les chapiteaux, singulièrement variés, présentent les formes les plus diverses et quelquefois les plus élégantes. Ils s’épanouissent en fleurs de lotus, ils imitent les feuilles et les gracieux rameaux du palmier, ils sont sculptés en têtes d’Isis ou d’Athor, riches et ingénieuses compositions que l’on voit souvent, dans une même salle, se mêler en un heureux désordre. Des bas-reliefs relevés dans le creux et peints de couleurs qui ont encore tout leur éclat, couvrent la surface des murs, les fûts des colonnes et les plafonds. Cette décoration choque d’abord notre goût, mais on s’accoutume bientôt à ces sculptures rangées sur des lignes parallèles, et de peu de relief : il ne faut pas oublier d’ailleurs qu’elles avaient un langage pour les Égyptiens ; ils en comprenaient le sens ; partout où ils arrêtaient leurs regards, ils voyaient représentées l’histoire des dieux et celle de leurs princes les plus illustres, et la pierre prenait ainsi comme une voix pour leur rappeler ce qu’ils avaient de plus sacré ou de plus glorieux.

L’art ne doit pas être jugé d’après des principes abstraits. L’architecture égyptienne, dépaysée, paraîtrait assurément défectueuse : mais elle est dans une remarquable harmonie avec la nature qui l’entoure, et de ce point de vue on la peut dire parfaite. Les campagnes du Delta n’offrent que des moissons à perte de vue et quelques rares palmiers ; puis, partout où le fleuve n’arrive pas, commence aussitôt l’aridité la plus désolée. La Haute-Égypte ne présente qu’un paysage uniformément accidenté. Les montagnes qui la resserrent commencent le désert : elles offrent à l’œil un triste rocher entièrement dépouillé, et d’un même niveau. Les bords du Nil ne déploient également ici qu’une monotone opulence. Le ciel, d’une pureté inaltérable, ne change jamais. Le fleuve, à jour fixe, inonde ses rives pour se retirer aussi à jour fixe. Tout suit un ordre invariable et constant. Ce style sobre et sévère de la nature, cette régularité et cette permanence de tous les phénomènes, le mystère et la grandeur de l’immense désert et du fleuve de vie qui dérobe ses sources lointaines, ont marqué leur empreinte sur les édifices égyptiens, et inspiré l’artiste qui les a élevés. Les grands édifices ont souvent un luxe d’ordonnance dont Thèbes donne les plus beaux exemples. C’est ainsi que du palais de Louqsor une allée de douze cents sphinx, et d’une