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ruines du même style. Deux artistes, MM. Huyot et Gau, la visitèrent. M. Huyot est mort avant d’avoir publié ses précieux dessins. M. Gau est de Cologne, il est vrai, mais j’ai le droit de parler de lui parce que la France l’a adopté et qu’il lui a dédié son beau travail.

M. Gau se trouvait, en 1818, à Rome pour terminer ses études d’architecture ; Niebuhr lui proposa d’accompagner le baron de Sack, qui se préparait à visiter la Grèce et l’Égypte ; M. Gau accepta cette offre. Mais, arrivés à Alexandrie, les deux voyageurs furent obligés de se séparer : la différence d’âge et d’humeur allait entre eux jusqu’à la mésintelligence. Voilà M. Gau seul, sans ressources, à une distance effrayante de son pays. Que faire ? Il ne pouvait prendre son parti de quitter l’Égypte sans avoir vu ces ruines qui parlent si haut à l’imagination d’un artiste. Il avait jeunesse, courage et liberté : où n’irait-on pas avec cela ? M. Gau sortit donc un matin d’Alexandrie par la porte du Caire, son livre de croquis sous le bras, et quelques piastres pour tout trésor. Il rencontre une petite caravane, et, arrivé avec elle à la capitale de l’Égypte, il était, quelques semaines après, à Thèbes. Il y trouva M. Drovetti, consul-général de France, qui était occupé à des fouilles ; M. Gau obtint de sa généreuse amitié les moyens d’explorer la Nubie, dont personne n’avait encore étudié les monumens. La Nubie offre le même aspect que l’Égypte : sur les deux rives du fleuve, une étroite lisière de maisons et de palmiers, puis des montagnes entièrement pelées, un ciel constamment pur, et les inondations annuelles du fleuve. C’est toujours la même nature grave et calme, une sévère monotonie, l’uniforme et brusque contraste de l’abondance et de la stérilité, et l’impression triste et solennelle du désert. L’architecture est aussi la même en Nubie qu’en Égypte ; elle a seulement en Nubie un caractère plus simple encore et plus primitif. La plupart des temples sont creusés dans la montagne ; c’est, du reste, une disposition pareille et le même style ; mais évidemment l’idée des temples-grottes est plus ancienne que celle des constructions libres. L’effet de ces édifices souterrains est des plus saisissans ; on éprouve, quand on pénètre dans leurs obscures profondeurs, une impression singulière ; il semble que ces colosses et ces images de divinités étranges qui frappent partout le regard vont prendre mouvement et parole, et révéler le mystère de vie et de mort que la terre cache dans son sein. Le grand temple d’Ibsamboul, creusé tout entier dans le roc, est le plus beau de la Nubie ; sa façade se développe sur une largeur de cent dix-sept pieds. Quatre énormes co-