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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 31.djvu/31

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DES IDÉES ET DES SECTES COMMUNISTES.

diminuent le nombre des bras en passant à l’étranger. Si cette association se maintient, il en naîtra une force d’autant plus terrible qu’elle sera toute d’inertie.

Nos communistes français constituent une variété de cette nombreuse famille. Cependant ils ne relèvent pas de l’école anglaise, et trouvent dans Babœuf une filiation beaucoup plus directe. Une circonstance décisive semble surtout avoir amené ce retour au manifeste des égaux : c’est l’ébranlement général et souvent remarqué qui suit toutes les révolutions ; la plus légitime éveille toujours, en dehors des limites qu’elle s’est assignées, des espérances et des tentatives hostiles. L’effervescence se perpétue dans les faits, la révolte s’éternise dans les doctrines. De là cette suite de systèmes auxquels notre époque est en butte. Combien a-t-on vu passer, depuis douze ans, de ces religions nouvelles ou rajeunies, de ces civilisations incomparables qui promettent à l’homme le bonheur parfait et la fin de ses misères ! Jamais le culte des sens n’avait eu de si nombreux apôtres et des autels plus multipliés. Que d’hymnes on a chantés en l’honneur de la félicité matérielle ! que de plans on a imaginés ! Avec ou sans travestissement public, c’était toujours la même tendance. Les communistes s’en sont à leur tour inspirés ; seulement, à des formules compliquées ils ont substitué la plus simple des formules : l’organisation scientifique des intérêts a fait place à la spoliation.

C’est un thème fort commun aujourd’hui que de subordonner les réformes politiques aux réformes sociales. On n’aspire plus, parmi les révolutionnaires dignes de ce nom, à renverser un gouvernement. Cette perspective pouvait suffire autrefois ; actuellement elle ne tenterait que des ambitions vulgaires. Ce qu’il faut détruire, c’est la société, c’est la civilisation, telles qu’on les a comprises jusqu’à nous. Voilà une poursuite qui peut s’avouer. On déclare donc que l’on professe pour le gouvernement un respect infini, mais que, dans l’ordre entier des relations humaines, on ne veut rien laisser debout de ce qui existe. Tout cela se débite avec un merveilleux sang-froid. Les communistes ont adopté, comme les autres, cette méthode de subversion. Ils professent un souverain mépris pour la politique, ou ne l’envisagent que comme un instrument secondaire dans leur œuvre de nivellement. À leurs yeux, rien n’est plus puéril que les petites querelles qui se vident, soit dans le parlement, soit ailleurs. Quand on songe à abolir d’un seul coup la propriété et la famille, il est certain que ces questions de détail doivent paraître bien petites et bien vaines. Les communistes n’admettent ni demi-