Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 31.djvu/318

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
314
REVUE DES DEUX MONDES.

Champollion était impatient d’utiliser sa découverte. M. Drovetti, ancien consul-général de France en Égypte, avait consacré plusieurs années à recueillir des antiquités égyptiennes du plus grand prix. Il avait espéré travailler pour notre pays. Ses offres généreuses furent refusées à la suite de misérables intrigues ; ce fut le roi de Sardaigne qui acheta cette collection. Champollion désirait aller à Turin. Le duc de Blacas fit connaître son vœu au roi, et Champollion reçut aussitôt de Louis XVIII une mission pour étudier les monumens égyptiens de l’Italie. Il partit de Paris en mai 1824 et fut de retour vers la fin de 1826 ; il passa neuf mois à Turin ; il y dressa la liste d’une suite nombreuse de Pharaons des dynasties les plus illustres ; il publia des lettres du plus haut intérêt sur la chronologie de l’ancienne Égypte. L’origine du Musée égyptien se rattache à ce voyage d’Italie. Le consul-général d’Angleterre, M. Salt, avait fait transporter à Livourne plus de quatre mille monumens égyptiens. Champollion obtint qu’on les acquit pour la France, et nous dédommagea ainsi de la perte de la collection de M. Drovetti.

Mais Champollion voulait voir le monde de ses découvertes ; son rêve avait toujours été le voyage d’Égypte. Il rédigea un projet d’expédition scientifique ; le duc de Blacas, ce généreux Mécène des études archéologiques, le mit sous les yeux de Charles X ; le roi y donna son approbation, et, le 31 juillet 1828, Champollion était en mer avec les artistes qu’il avait choisis pour l’accompagner et une commission du grand-duc de Toscane, présidée par le savant Rosellini. Vingt mois après, il était de retour ; il avait en si peu de temps exploré l’Égypte et la Nubie jusqu’à la seconde cataracte. On peut voir dans ses lettre la vive impression que faisaient sur lui les merveilles de la vallée du Nil, le bonheur qu’il avait à vivre au milieu de ces ruines vénérables, à retrouver sculptées sur les palais les archives de l’ancienne Égypte, à reconnaître les portraits des Pharaons les plus célèbres.

L’architecture avait été dessinée par la commission d’Égypte et par MM. Huyot et Gau. Champollion, pour ne rien faire d’inutile, ne s’occupa que des sculptures et fit copier les bas-reliefs les plus importans. Ces bas-reliefs reproduisent toute la physionomie de l’ancienne Égypte. Ils font passer en quelque sorte sous nos yeux tout le peuple des Pharaons. Nous suivons les rois conquérans dans leurs lointaines expéditions, nous les voyons rentrer en triomphe, nous assistons aux fêtes du culte, nous pénétrons dans les sanctuaires et dans les palais, nous voyons ce qui se passe dans les demeures pri-