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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 31.djvu/391

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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

part protège un amas confus de débris païens, chrétiens, mauresques, byzantins, normands, inexplorés jusqu’à ce jour. Cette acropole, s’élève dans le désert, non loin du port actuel de Butrote ou Gerovoglia, que les Vénitiens, et leurs successeurs les Français de la république, occupèrent, sans s’inquiéter des campagnes environnantes, où ils laissèrent errer les pâtres : il leur suffisait de garder militairement un fort triangulaire, bâti au-dessus de leur comptoir, qui est maintenant la douane turque. Quel artiste généreux se dévouera à venir dessiner tant de monumens inconnus ?

Quoique appartenant de nom aux Djamides, la côte qui s’étend de Butrinto à Prevesa est à peu près grecque. Des tribus helléniques indépendantes y florissaient naguère ; celle des Philatis (associés) exploite toujours le vallon de la Kalamas (Thyamis), dont elle occupe les deux rives jusqu’à Keracha, bourgade et petit port qui sert de débouché industriel à cette tribu paisible et laborieuse. Les Philatis ont fait de leur territoire une petite oasis ; les champs de millet, de riz, de maïs, de tabac, s’y montrent entrecoupés de jardins que traversent dans tous les sens des tranchées entretenues par les eaux de la Kalamas. La cité de Philatis était encore, il y a trente ans, ornée de beaux aqueducs et de nombreuses fontaines ; étagée sur un mont très élevé, elle formait autant de rues qu’il y avait de phars différens dans la tribu. Maintenant cette ville est un amas de ruines. Dans le vallon de la Kalamas débouche celui de Kourendas, qui conserve au lieu dit Paleo-Kastra les restes imposans de Passaron, capitale de l’Épire au temps de Paul-Émile.

Les Philatis étaient parvenus à grouper autour d’eux un grand nombre de communes indépendantes, telles que Gomenizza, avec sa petite baie entourée d’écueils, mais où les vaisseaux de guerre trouvent un mouillage sûr, — l’antique Sayadès, dont la rade étroite domine le canal de Corfou, — Margariti abritée par ses montagnes, — Paramythia défendue par des pâtres féroces, et la ville de Loroux avec sa ceinture de remparts escarpés. Ces petites républiques étaient confédérées avec celle de Parga qui, en cas de revers, servait d’asile à leurs citoyens. Parga, bien qu’elle ne comptât qu’une population de huit mille ames, était puissante par son unité, son commerce et la position de sa forteresse. Cependant, pour mieux résister aux Turcs, elle avait dû, en 1447, reconnaître le protectorat de Venise, qui depuis lors la défendit constamment, et força huit fois les Osmanlis à en lever le siége. Ces tribus, encore indépendantes à l’entrée de notre siècle, ont perdu aujourd’hui toute existence munici-