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TENDANCES NOUVELLES DE LA CHIMIE.

anciennes croyances, persistèrent à courir après la pierre philosophale et le remède universel, mais ces derniers disparurent bientôt de la scène du monde, et leurs travaux aussi bien que leurs noms sont à peine connus de nos jours.

Il n’en fut pas de même des deux autres branches sorties de ce vieux tronc. La chémiatrie ou médecine chimique avait de profondes racines dans le passé de la science : elle eut d’abord un succès prodigieux, et régna sans rivale sur presque toute l’Europe. Deux hommes contribuèrent surtout à sa propagation : Van-Helmont, un des plus grands génies de la médecine, qui fit cadrer tant bien que mal la théorie des fermens avec sa doctrine des arché ou esprits vitaux ; puis Sylvius, professeur à Leyde, qui déploya un talent et des connaissances remarquables pour ramener tous les phénomènes de la vie à de simples actions chimiques. Pour lui, les parties solides de l’homme et des animaux ne font, pour ainsi dire, pas partie de l’être vivant : ce ne sont que des vases destinés à renfermer les liquides. Le corps n’est plus qu’un laboratoire ordinaire, où tout se passe comme dans les cornues et les alambics du chimiste. La digestion n’est qu’une fermentation, et le chyle qui en résulte est l’esprit volatil des alimens. La préparation des esprits vitaux dans l’encéphale est une simple distillation, et ces esprits ressemblent beaucoup à l’alcool. Les mouvemens du sang sont produits par l’effervescence du sel volatil huileux de la bile et de l’acide dulcifié de la lymphe ; cette effervescence se passe dans le cœur et développe la chaleur vitale qui atténue le sang et le rend propre à circuler, etc… La thérapeutique de Sylvius était parfaitement d’accord avec cette physiologie. Pour lui, l’art de guérir se réduisait à neutraliser l’âcreté acide ou alcaline, cause unique de toutes les maladies. L’université de Paris, Riolan à sa tête, combattit à outrance ces doctrines absurdes, et parvint à garantir presque toute la France d’un envahissement qui menaçait de devenir général.

À côté des deux classes précédentes se trouvent les véritables chimistes, qui, écartant toute hypothèse et toute application prématurée, en appellent sans cesse à l’expérience et recueillent lentement les matériaux de l’édifice futur. On peut citer parmi eux Cassius, Libavius, Glauber, qui ont donné leurs noms à diverses substances pour les avoir découvertes ; Agricola, auteur d’un ouvrage remarquable sur l’extraction des métaux et la métallurgie ; Bernard Palissy, dont les rustiques figulines ornèrent la table des rois, et sont encore aujourd’hui recherchées avec tant de soin par les curieux. En lisant