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TENDANCES NOUVELLES DE LA CHIMIE.

l’accroissement de nos organes qu’une simple juxtaposition de molécules comparable a ce qui se passe dans la cristallisation d’un sel inorganique ? Aucune partie végétale ne jouit de cette contractilité active qui caractérise les muscles de l’animal. La fibrine, qui forme la base de ces muscles, qui leur communique cette faculté source de tous nos mouvemens, a-t-elle donc revêtu des propriétés nouvelles ? ou bien est-ce à sa réunion en fibres, à un arrangement de molécules, qu’elle doit la manifestation d’une faculté qu’elle ne possédait jusque-là qu’à l’état latent ? Alors même que cette dernière hypothèse serait pleinement démontrée pour l’exemple que nous citons, ne reste-t-il à l’animal, en tout état de cause, qu’à détruire l’œuvre du végétal ? Évidemment consommateur dans un très grand nombre de cas, ne sera-t-il jamais producteur ? Toutes ces matières élémentaires, qu’on ne rencontre que chez lui, ne sont-elles que des dégénérescences des produits végétaux ramenés par une série de transformations successives vers leur état premier de matière brute ? Bien des recherches nous semblent encore nécessaires avant que ces questions puissent être résolues affirmativement. Quel végétal, par exemple, a organisé cette mystérieuse liqueur dont l’influence inexplicable a le pouvoir d’éveiller la vie dans les germes endormis ?

Dans l’esquisse rapide que nous avons tracée de l’histoire de la chimie, nous avons vu que cette science, fille de la médecine, long-temps cultivée uniquement par des hommes occupés de l’art de guérir, avait reçu de cette origine une empreinte ineffaçable. Les alchimistes recherchaient avec la même ardeur la panacée universelle et la pierre philosophale. Paracelse et ses successeurs sont l’expression la plus complète de cette tendance. Plus tard, lorsque Lavoisier, après avoir renversé les vieilles erreurs, eut fondé largement la science nouvelle, nous le voyons chercher à couronner l’œuvre par des applications physiologiques. Ses disciples le suivirent également dans cette voie. Fourcroy peut être considéré comme un des chefs du chimisme moderne ; mais on doit reconnaître qu’il sut éviter les exagérations de ses devanciers, et qu’il mit toujours beaucoup de circonspection dans l’exposé des théories partielles qu’il s’efforça de propager. Girtanner, Valli, Jaëger, qui marchèrent dans la même direction ne tardèrent pas à s’écarter de cette sage réserve. Pour eux comme pour Sylvius, la chimie dut donner la clé de tous les problèmes physiologiques, et le premier alla jusqu’à voir dans l’oxigène le principe même de l’irritabilité, la cause et l’agent de la vie. Heureusement ces conceptions tombèrent bientôt dans l’oubli qu’elles méritaient.