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de l’enfant qui était son orgueil et son espérance ; c’était le deuil de la nation qui s’associait à des douleurs qu’on ose à peine deviner.

La chambre des pairs a promptement répondu aux paroles de la couronne. Il ne pouvait en effet y avoir lieu ni à doutes ni à débats. Il n’y a dans ce moment qu’une pensée à proclamer, l’adhésion à la monarchie de juillet ; qu’une œuvre à accomplir, la loi de régence.

La chambre des députés est encore occupée de la vérification des pouvoirs. Elle n’a donné lieu jusqu’ici à aucune discussion digne d’être remarquée. Il faut espérer que la chambre ne prolongera pas trop des escarmouches parlementaires sans résultat et sans dignité. Comment ne pas sentir que des récriminations usées, que des luttes individuelles offrent un contraste trop pénible avec la douloureuse gravité des circonstances ? Quand donc les hommes politiques apprendront-ils chez nous que, dans leur propre intérêt comme dans l’intérêt des opinions qu’ils défendent, mieux vaudrait se conformer à l’exemple, et suivre les directions des chefs naturels de chaque parti, que d’en faire chacun à sa tête en ne prenant conseil que de soi-même ? Il y a là une sorte d’impatience personnelle qui rapetisse tout, qui compromet à chaque instant par ses boutades et ses imprudences les hommes réfléchis, réservés, qui n’ont pu prévenir ces écarts.

Au reste, il faut bien le reconnaître, nous vivons au milieu des saturnales de la médiocrité. Tous nos partis politiques sont en proie au même désordre. Les hommes subalternes se démènent et brouillent tout ; les chefs en gémissent : ce n’est pas assez. Il leur faut plus de confiance en eux-mêmes et une plus haute conscience de leur propre valeur. Un juste orgueil, dans ce cas, n’est pas seulement légitime, il est un moyen nécessaire. La foule ne s’agite et ne fait ses fantaisies que lorsqu’elle sait que les chefs finissent par la suivre malgré eux, et qu’ils sont toujours prêts à couvrir tant bien que mal la retraite des hommes aventureux.

Ce désordre est plus funeste encore à l’opposition qu’au parti gouvernemental. Nous en avons dit, il y a long-temps, les raisons ; nous ne les redirons pas aujourd’hui.

La chambre des députés aura bientôt à nommer un président. L’opposition paraît ne pas avoir d’incertitude à cet égard ; elle réunit ses voix sur le chef de la gauche, sur l’honorable M. Barrot. Ce fait ne serait pas sans importance, s’il était l’expression d’un système, l’indice d’une grave résolution. On pourrait dire en effet que, si la gauche avait songé plutôt à un succès du moment qu’à ses principes, elle aurait cherché son candidat parmi les notabilités du centre gauche ; qu’elle pouvait espérer, par ce choix, enlever aux centres quelques-uns de ces hommes incertains et flottans qui se flattent de concilier leurs antipathies avec leurs opinions, en se rangeant timidement sous un drapeau aux pâles couleurs ; que la gauche, au contraire, a voulu déployer son étendard dans toute sa pureté et son éclat, qu’elle entend prouver par là que dorénavant elle aspirera au pouvoir directement, sans détours, décidée à refuser son concours à tout ministère qui ne se proclamerait pas