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REVUE. — CHRONIQUE.

de leur puissante parole. Nous aimerions à voir reparaître ces grandes et brillantes journées du 11 octobre, lorsqu’après avoir entendu les défenseurs intrépides de nos institutions et de l’ordre public, les admirateurs de leur rare talent pouvaient s’écrier :

Facies non omnibus una,
Nec diversa tamen, qualem decet esse…

Hélas ! il n’y a plus de fraternité ; la noble famille est divisée, dispersée ; laissons à l’histoire le soin de rechercher les causes de cette dispersion et d’en apprécier les effets.

On a beaucoup dit, ces jours derniers, que les hommes en seconde ligne refusaient de se conformer aux directions de leurs chefs, qu’ils repoussaient des conseils qui leur paraissaient inopportuns et timides. Si le fait est vrai, cette résistance n’a pas de quoi nous surprendre. Nous le disions, l’indiscipline des partis est la maladie du temps. Le cas arrivant, il faut croire que les chefs ne se laisseront pas entraîner malgré eux, et que, par une condescendance que nous ne voulons pas appeler d’un autre nom, ils n’autoriseront pas ces vaines témérités. Qu’ils laissent à eux-mêmes les hommes impatiens et excentriques : ces hommes apprendront, trop tard pour eux-mêmes, que l’esprit et la hardiesse ne suffisent pas pour faire un homme politique et sérieux. La chambre en offre des exemples remarquables.

Apres le vote de l’adresse, le ministère présentera à la chambre des députés le projet de loi sur la régence. On dit qu’il ne renferme que cinq ou six articles, et qu’il est conforme aux principes qu’avait posés l’assemblée constituante. Nous ne voulons pas l’examiner avant d’en avoir le texte sous les yeux. Tout calculé, la chambre ne pourra guère en commencer la discussion avant le 15 d’août.

L’Europe entière a pris une part vive et sincère au deuil de la France. L’Espagne en particulier a témoigné une émotion qui honore nos voisins, et qui prouve que les erreurs de la politique n’ont point altéré les dispositions naturellement amicales et bienveillantes des deux peuples l’un pour l’autre. On assure que le gouvernement espagnol a montré, dans cette circonstance, le plus vif désir de faire tout ce qui pourrait contribuer au rétablissement des anciennes relations entre les deux pays. Si cette ouverture a réellement eu lieu, nous ne doutons pas de l’empressement qu’aura mis notre gouvernement à l’accueillir, et dès-lors on pourra voir cesser bientôt un refroidissement qui est également contraire aux intérêts des deux nations. L’Espagne ne saurait méconnaître que l’amitié de la France ne peut que lui être utile. Nous ne voulons empiéter ni sur son régime intérieur, ni sur ses lois, ni sur son commerce. Tout ce que nous demandons, c’est justice, égalité de traitement, rapports bienveillans ; tout ce que nous désirons, c’est que l’Espagne puisse maintenir chez elle, sous l’égide de la monarchie constitutionnelle, l’ordre et la liberté. L’Espagne tranquille, forte, riche, prospère, c’est un gain pour la France au point de vue économique et au point de vue politique.