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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 31.djvu/683

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JEAN-PAUL RICHTER.

croire, de récentes expériences auraient eu pour résultat certains doutes sur l’efficacité de ces eaux, et dès lors Alexandersbad, déchue de son rang de ville de bains, s’était vue réduite à n’être plus désormais qu’un simple but de promenade pour les hôtes des sources du voisinage ; car, à l’égard du pittoresque, Alexandersbad n’a rien à craindre, et sur ce point il n’y a pas de faculté au monde capable de mettre ses eaux en discrédit. La médecine peut prétendre qu’elles sont insalubres, qu’elles roulent trop de fer et d’alcali dans leurs flots : le soleil dit qu’on ne se lasse pas de les contempler, d’ouïr leur musique de syrènes et de les voir serpenter comme des couleuvres à travers leur lit de fleurs et de gazon, ou bouillonner dans leur chaude cuve de granit. Leur vertu s’en est allée, à ce qu’on raconte ; la beauté leur reste, c’est quelque chose, et bien des femmes penseraient comme nous là-dessus. D’ailleurs qui sait si la médecine ne les calomnie pas ? qui sait si la vieille ambitieuse n’a point résolu d’élever sur leur ruine le crédit de quelque source favorite de la maîtresse d’un grand-duc du voisinage ? Ce qu’il y a de certain, c’est que les eaux vives d’Alexandersbad ne s’en inquiètent guère, et vont toujours bondissant d’un roc à l’autre, secouant leur écume comme une ironie. La solitude leur va si bien ! Elles ont l’air si heureuses d’être à jamais délivrées de ces misères que leur vertu leur attirait, de ces souillures de Job que l’humanité dépose au sein de toutes les puretés de la nature, si heureuses de ne plus avoir à faire qu’au soleil, à l’air, à la montagne, de n’entraîner dans leurs eaux que le sel de la terre, d’être devenues sources libres du Fichtelgebirg, de piscines qu’elles étaient !

Ce n’est donc plus à l’efficacité de ses eaux médicinales qu’Alexandersbad doit les visites qu’on lui fait, mais à la montagne au pied de laquelle la source jaillit. La partie de cette montagne qui regarde Wonsiedel et le petit village de Schönbrunn, assis sur la même ligne de collines, un peu plus haut pourtant, est étendue et vaste, couronnée çà et là de pics de granit bizarres et difformes, qui tantôt s’amoncellent les uns sur les autres comme les degrés d’un escalier de géans, tantôt se déchirent en crevasses béantes ou se voûtent en grottes. Cet amas de roches, qu’on prendrait au premier coup d’œil pour un entassement de ruines granitiques, s’appelait autrefois le Loosburg ou Luxbourg, et reçut, en 1805, le nom de Louisenbourg, en souvenir d’une visite de la reine de Prusse. Plusieurs pics se désignent aussi sous des noms particuliers, le Burgstein, le Kreuzstein, par exemple, et, comme on pense, les sites pittoresques et