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RICHARD.

I.

Vers l’automne de 1830, par une soirée froide et pluvieuse, une chaise de poste, qui suivait la route d’Angers à Nantes, quitta brusquement le grand chemin pour prendre un sentier enfoncé dans les terres. Il faisait une affreuse nuit. Le vent sifflait à travers les arbres ; les rameaux dépouillés craquaient ; les orfraies criaient dans le creux des chênes. À chaque instant, les chevaux, découragés, refusaient d’avancer ; le postillon jurait, et la chaise, battue par la tourmente, menaçait de s’abîmer dans les ornières des sentiers effondrés. Pas une étoile ne brillait au ciel, pas une lumière dans le paysage ; des aboiemens plaintifs qui se mêlaient, à longs intervalles, aux gémissemens de la bise, révélaient seuls quelques habitations éloignées. Au milieu de cette scène désolée, la voiture était, à l’intérieur, silencieuse comme un tombeau : pas un mouvement, pas un bruit de voix qui trahît au dedans l’inquiétude ou l’impatience ; on eût dit le voyage d’un mort gagnant sa demeure dernière. Enfin, au bout de quelques heures, les chevaux galopèrent sur un terrain ferme et sonore, entre une double rangée de platanes ; le fouet du postillon donna joyeusement la fanfare d’arrivée, et la chaise s’arrêta bientôt devant le perron