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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 31.djvu/770

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REVUE DES DEUX MONDES.

Tremblaye. Le souvenir de ce gentilhomme lui était resté bien avant dans le cœur. Il repassa les monts, traversa la Savoie et ne s’arrêta qu’à Grenoble, où sa voiture rencontra celle de M. de La Tremblaye, que ses affaires amenaient à la ville. En se reconnaissant l’un l’autre, tous deux mirent en même temps pied à terre et s’embrassèrent chaleureusement. M. de La Tremblaye retournait le jour même à sa terre. Il conseilla à son jeune ami de laisser sa chaise à Grenoble et lui offrit dans sa calèche une place que Richard accepta.

La Tremblaye est un vaste domaine situé à quelques lieues de Grenoble, entre Voreppe et Saint-Laurent-du-Pont. Le château, qui en est le centre, et, pour ainsi dire, le point de ralliement, s’élève à mi-côte et domine la magnifique vallée de l’Isère. On y arrive par de gracieux détours, le long d’une pente insensible, à travers une forêt de trembles qui sont comme les armes parlantes de l’antique maison qu’ils ombragent. Pendant le trajet qu’ils firent en calèche découverte, par une tiède soirée d’automne, M. de La Tremblaye interrogea discrètement Richard, et s’affligea de le voir, au retour, plus triste, plus sombre et plus découragé qu’il ne l’était avant son départ. Richard évita de parler de lui ; l’Italie défraya la conversation.

Au détour du sentier qui mène de Voreppe à Saint-Laurent, ils aperçurent, le long des haies, une amazone qui semblait venir à leur rencontre, au galop d’un coursier rapide. — C’est ma sœur ! s’écria M. de La Tremblaye avec l’expression de l’orgueil et de la tendresse. — Au même instant, la calèche s’arrêta, la jeune fille sauta légèrement à bas de son cheval, et s’élança près de son frère, qu’elle entoura de ses bras caressans. — C’est ma sœur ! c’est ma chère Pauline ! répéta M. de La Tremblaye, tandis qu’il couvrait de baisers le front et les cheveux de la belle enfant, qui ne paraissait pas se douter de la présence de Richard.

M. de La Tremblaye lui ayant présenté M. de Beaumeillant, elle le regarda d’un air curieux ; puis, sans se préoccuper de lui davantage, elle continua d’entretenir tendrement son frère. Richard contemplait d’un air souriant et mélancolique le tableau de ces douces joies.

Bien qu’en réalité elle échappât à peine aux graces naïves de l’enfance, Mlle de La Tremblaye n’était déjà plus une enfant. Grande, souple, élancée, la finesse et la délicatesse de ses traits donnaient à son visage l’air d’une fleur épanouie sur une tige longue et flexible. Elle avait la blanche et royale beauté du lis ; on sentait, à la voir, qu’elle avait dû naître et grandir à l’ombre d’un château féodal. Au