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DU CRÉDIT ET DES BANQUES.

et sans travail, une source intarissable de biens. D’autres, plus modestes, ont du moins posé en principe qu’il appartenait aux gouvernemens, pourvu qu’ils se renfermassent dans certaines limites, de combler avec du papier tous les vides de leurs trésors. Plusieurs aussi, prenant le contre-pied de ces brillantes chimères, n’ont vu, dans l’institution de la banque d’Angleterre, qu’un édifice monstrueux dont ils ont cent fois prédit la chute. Mais toutes les suppositions et toutes les théories ont été de nouveau confondues ou jetées hors de leurs limites, quand on a vu cette même banque, après un siècle d’existence, suspendre, en 1797, tout paiement de son papier en numéraire, et maintenir, sans perte trop sensible, cette étonnante suspension pendant l’espace de plus de vingt-deux ans. On se fût moins hâté de crier merveille, comme aussi on se serait épargné tant de prédictions vaines, si l’on avait étudié le fait dans toutes ses dépendances. Au lieu de considérer la banque isolément, on l’aurait prise avec sa puissante escorte, avec ses innombrables satellites. On aurait compté non pas seulement ses ressources propres, mais toutes les ressources réservées pour elle dans les banques privées ; alors on aurait trouvé l’explication du phénomène, on aurait vu les pieds du colosse, et le prodige se serait évanoui.

Tout cela pourtant ne constitue pas un développement normal du crédit. Malgré l’appui intéressé du gouvernement, dont la fortune est aujourd’hui liée à la sienne, malgré la sagesse réelle qu’elle déploie dans la situation périlleuse où elle s’est mise, malgré l’assistance même des banques privées, il est permis de croire que la banque de Londres n’aurait pas vécu jusqu’aujourd’hui dans un pays moins tranquille que l’Angleterre, ou plus exposé qu’elle aux invasions. Tout a concouru pour la préserver d’une chute que sa mauvaise organisation semblait rendre inévitable. En laissant d’ailleurs à part les conditions de solidité et de durée, il est certain que la banque de Londres n’a pas donné le dernier mot des institutions de crédit ; c’est à celles de l’Écosse qu’en était réservé l’honneur.

En 1695, un an après l’établissement de la banque d’Angleterre, se formait sans éclat, à Édimbourg, une institution du même genre, plus modeste dans ses prétentions, mais plus solide et plus complète ; c’est celle qui porte le nom de banque d’Écosse (bank of Scotland). Elle fut autorisée par un acte du parlement écossais, qui l’érigea en corporation. Son capital primitif, formé par des actions de 83 liv.sh.d., ne s’éleva pas à plus de 100,000 liv. sterl. (2,500,000 fr.) : capital bien modeste, mais suffisant pour les affaires qu’elle voulait entreprendre, et qu’elle eut du moins le bon esprit de conserver dans son intégrité. Aussi ses débuts furent-ils heureux et ses progrès rapides. Dans la suite, le capital de la banque d’Écosse s’est accru à mesure que ses affaires s’étendaient ; mais il est toujours demeuré comparativement faible, comme celui de tous les autres établissemens du même genre qui se sont formés dans le pays.

En 1727 fut instituée la banque royale d’Écosse (royal bank of Scotland). Une somme de 246,550 liv. sterl., allouée à l’Écosse comme indemnité de sa