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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 31.djvu/809

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DU CRÉDIT ET DES BANQUES.

vide que le crédit laisse en se retirant, qu’on juge de la place qu’il occupait. Au reste, le même désordre, le même vide, que sa disparition produit alors accidentellement, son absence le produit ailleurs d’une manière permanente, et exactement dans le même sens, avec cette seule différence que, dans le premier cas, l’effet étant accidentel et subit, se fait mieux sentir par le contraste.

Ainsi, pour revenir à notre point de départ, l’effet actuel de l’introduction du crédit dans les relations commerciales est d’augmenter, sinon la somme des valeurs qu’un pays possède, au moins celle des valeurs actives. Voilà l’effet immédiat. Il est déjà grand, on l’a vu ; mais l’effet prochain ou subséquent sera plus grand encore, car, de cela même que tant de valeurs oisives ont été rendues au travail, que la puissance productive s’est accrue, ainsi que la facilité de vendre ses produits, chaque industriel aura donné à sa production un plus large essor. On aura vu en même temps de nouveaux producteurs s’établir en plus grand nombre à côté des anciens, encouragés tout à la fois par la facilité de se procurer des instrumens, et par le surcroît général de la demande. Il se trouvera donc le lendemain, dans les magasins, dans les ateliers, plus de produits qu’il n’en existait la veille. Et la même cause agissant toujours, ces produits s’écouleront encore avec une rapidité croissante, pour aller concourir à en former d’autres à leur tour. L’effet se multipliera de proche en proche, et s’accroîtra pour ainsi dire suivant une progression géométrique. À ce compte, on ne sait vraiment pas où s’arrêterait le progrès incessant de la richesse d’un peuple favorisé par le crédit, si des causes d’un autre ordre ne troublaient quelquefois cette marche ascendante, si le crédit lui-même n’était pas sujet à des retours soudains, à des crises funestes, qui viennent de temps à autre détruire une partie de ses bienfaits.

Ce n’est pas tout. Par cela même que le crédit met en valeur les capitaux dormans, il donne de l’emploi aux hommes ; il utilise à la fois les bras et les intelligences. C’est peut-être là, du reste, le plus grand comme le plus précieux de ses bienfaits. Combien d’hommes, dans un pays tel que la France, qui languissent inoccupés ! Combien d’autres dont les bras s’emploient, faute de mieux, à des travaux misérables, aussi misérablement rémunérés ! sans parler de ceux qui, doués d’une intelligence propre à diriger le travail des bras, ou à le féconder par des inventions utiles, ne trouvent, intelligences déchues, qu’à employer leur force brutale et physique. Ils consomment peu ces hommes ; mais, hélas ! ils produisent moins encore, à charge à la société comme à eux-mêmes. Quand on y regarde bien, quelle immense déperdition de forces vives ! Quel effrayant désordre ! quel lamentable gaspillage de toutes les ressources d’une nation ! Vienne le crédit, et ce désordre cesse. Capitaux, bras, intelligences, tout s’utilise, tout s’emploie, et chaque chose et chaque homme reçoit à l’instant l’emploi le plus utile et le mieux approprié à sa nature.