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DU CRÉDIT ET DES BANQUES.

valeur réelle qu’il représente, sur ce qu’il peut acquérir ou perdre, sur le change à subir d’une place à l’autre, puisque la valeur qu’il porte, étant réalisable partout et tous les jours, demeure par cela même constante, invariable.

C’est par toutes ces propriétés si remarquables, que le billet de banque se distingue éminemment des effets du commerce, et c’est là ce qui fait sa supériorité dans le système de la circulation, en le rendant acceptable pour tout le monde et dans les situations les plus diverses.

Il semblerait pourtant que la condition d’une échéance à volonté dût borner son cours, en le ramenant sans cesse vers ses auteurs. Il n’en est rien. Par la réunion de toutes les propriétés qui le distinguent, et dont celle-ci même forme le complément, il devient si propre à la circulation, il remplit si bien les vues, il satisfait si pleinement les besoins de ceux qui le reçoivent, que le besoin de le présenter dans les bureaux d’émission ne se fait point sentir. Au lieu donc de n’entrer dans la circulation qu’accidentellement, pour un besoin spécial, et d’en sortir après l’avoir rempli, il y reste souvent jusqu’à ce que sa vétusté l’en chasse. Il est, en effet, d’une expérience invariable que la grande masse des billets émis avec ces conditions séjourne long-temps dans le public avant de se présenter au remboursement.

De là une nouvelle propriété du billet de banque, propriété plus remarquable encore que toutes les autres, qui en découle naturellement, mais qui les achève et les couronne : c’est celle de ne représenter, pour la banque qui le délivre, qu’un billet à échéance lointaine. Si l’on suppose qu’en moyenne les billets restent pendant trois mois dans la circulation, bien que, durant cet intervalle, ils aient pour les porteurs et le public toute la valeur de billets échus et qu’ils s’échangent à ce titre, ils ne représentent cependant, pour la banque qui les émet, que des billets payables à trois mois. Ainsi, par une heureuse combinaison de circonstances, en donnant aux porteurs une satisfaction toujours présente, ils réservent cependant aux banques tous les bénéfices de l’atermoiement. Ils satisfont les besoins de ceux-là, sans altérer les ressources de celles-ci. Il n’en faut pas moins, il est vrai, pour rendre possible une large émission de ces billets, puisqu’autrement nulle compagnie au monde ne pourrait en soutenir le poids. Mais cette circonstance, considérée en elle-même, n’en contribue pas moins pour sa part à favoriser l’essor du crédit, en supprimant, ou peu s’en faut, les frais que son exercice entraîne.

Inutile de nous étendre maintenant sur les fonctions que les billets de banque remplissent dans le système du crédit ; elles ressortent suffisamment de tout ce qui précède. Donnés en échange des effets du commerce, ces billets les remplacent dans la circulation, tandis que ceux-ci, beaucoup moins propres à cet usage, vont dormir dans le portefeuille de la banque jusqu’à leur échéance. Grace à cette substitution, la circulation des billets ne rencontre plus d’obstacle ; elle se communique de proche en proche, et avec elle l’usage du crédit se propage et se répand. On voit aussi s’opérer avec une facilité merveilleuse ces compensations de créances dont nous parlions plus