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haut, car les billets de banque qu’un négociant a reçus en échange des effets de commerce souscrits à son ordre, il peut toujours les donner en paiement de ceux qu’il a souscrits lui-même lorsqu’ils se présentent à l’échéance, et de cette façon un grand nombre de dettes s’éteignent sans l’emploi du numéraire. C’est en ce sens que l’usage des billets de banque dispense souvent de l’emploi de la monnaie, sans toutefois l’exclure jamais entièrement.

Quant aux banques, on comprend maintenant que tout leur emploi se borne à favoriser le crédit commercial, et l’on voit en même temps par quels moyens bien simples elles y parviennent. Comme les banquiers particuliers, elles ne sont évidemment que des intermédiaires, mais des intermédiaires mieux servis et plus heureux. Cette faculté d’émission de billets, si prestigieuse en apparence, à laquelle on attribuait des effets si surprenans, qui a excité tant de bravos d’une part, tant de clameurs de l’autre, se réduit elle-même à sa juste valeur. Elle n’apparaît plus que comme un procédé commercial très ingénieux, mais très simple. On voit aussi que, malgré sa haute importance, elle ne constitue pas une fonction indépendante, mais qu’elle est, au contraire, subordonnée à l’escompte, dont elle est l’auxiliaire obligé ou l’indispensable complément.

Dès l’instant que cet admirable système est en vigueur, pourvu qu’il soit solidement constitué et largement assis, il n’y a plus d’autre limite au crédit commercial que celle de la production elle-même.

Et d’abord, en ce qui concerne les banques, il est clair que rien ne les arrête dans l’admission des billets des négocians. Leurs propres billets restant, par hypothèse, autant de temps dans la circulation que ceux des négocians séjournent dans leur portefeuille, il n’y a aucun inconvénient pour elles à recevoir tous ceux qu’on leur présente, en quelque nombre qu’ils soient, pourvu qu’elles augmentent dans la même proportion leurs émissions.

Par la même raison ; les négocians et les industriels n’ont plus de limite à s’imposer dans leurs avances réciproques. Toutes ces avances se réglant en billets payables à terme, dès l’instant qu’un négociant trouve dans les banques un placement toujours assuré pour ces billets, un débouché toujours ouvert ; dès l’instant qu’il est sûr de les convertir en d’autres billets d’une échéance actuelle, et qui vaudront pour lui, autant et plus que de l’argent comptant, rien ne l’oblige à s’arrêter dans cette voie, et il peut sans crainte multiplier ses avances à l’infini.

Tout cela ne veut pas dire que ni les négocians ni les banques puissent, dans ce cas, se donner les uns aux autres, pour ainsi dire, carte blanche, et ne connaître plus ni règles ni lois. Ils doivent, au contraire, s’en imposer de très sévères. Mais ces règles, ces lois, n’ont plus rien d’arbitraire et de gênant. Elles ne sont pas telles que d’absurdes préjugés les représentent : elles sont déterminées par la nature des choses, par la situation générale du commerce et la situation propre de chacun, et, pour tout dire, par les ressources mêmes de la production. En tout temps, un négociant se doit à lui-même de ne pas abuser de son crédit, de n’en pas forcer tous les ressorts : il n’ira donc