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ticulier, et de plus, si l’on excepte quelques mesures de prévoyance et d’ordre qui sortent de la ligne industrielle, il n’y a que celles-là qui aient une influence réelle et efficace. Mais entre toutes les mesures propres à atteindre ce but élevé et si digne, l’amélioration du sort des travailleurs, il n’y en a pas de plus puissantes, de plus énergiques, que celles qui tendent à développer toutes les ressources du crédit.

Dans l’état présent de l’industrie, toute la force, toute l’intelligence, toute l’industrie d’un homme, quelque active, quelque puissante qu’on la suppose, ne produit rien sans capital, c’est-à-dire sans les instrumens qui secondent cette industrie et les matières auxquelles elle s’applique. Les capitaux sont donc l’accompagnement obligé, l’auxiliaire indispensable des travaux des hommes. Sans capitaux, point de produits, point de travail. Aussi, là où les capitaux sont rares, le travail trouve peu d’occasions de s’exercer ; dès-lors la demande en est faible : l’offre en est au contraire active, ardente, parce que l’homme a toujours besoin de vivre, et, par une conséquence naturelle de cette situation, ce travail offert de toutes parts s’achète à vil prix, il est misérablement rémunéré. Multipliez au contraire les capitaux, à l’instant les occasions de travail se multiplient dans la même proportion ; la demande s’accroît, et, comme l’offre ne peut la suivre d’un pas égal, la rémunération s’élève de tout l’accroissement de la demande. Voilà comment le secret pour améliorer le sort des travailleurs, ce secret qu’on va chercher si loin, dans tant de régions excentriques, est presque tout entier dans ces seuls mots, dans cette formule si simple : multiplication des capitaux par le crédit.

Est-il nécessaire de répondre maintenant aux objections qu’on a coutume de faire contre l’institution des banques ? Comme ces objections s’adressent en général aux idées fausses que nous avons combattues, il nous semble qu’elles tombent pour la plupart devant le seul exposé d’une doctrine plus saine. Il en est cependant qui appellent quelques réflexions.

On dit que les banques font quelquefois, par de trop larges émissions de billets, disparaître le numéraire d’une manière gênante et quelquefois inquiétante pour le public. Nous avons montré, contre l’opinion commune, que les billets de banque ne remplacent pas effectivement le numéraire dans la circulation. Il semble donc que l’inconvénient qu’on allègue soit chimérique. Ce qui est vrai seulement, c’est que l’usage du crédit, favorisé par les banques, dispense en bien des cas, grace aux compensations de créances dont il fournit l’occasion, de l’usage du numéraire, et par cela même tend à en diminuer l’abondance dans un pays. Une diminution déterminée par de tels motifs ne peut jamais causer ni inquiétude ni gêne, et puisque c’est sa seule inutilité qui a déterminé sa disparition partielle, il est dans la nature des choses qu’il reparaisse aussitôt que le besoin s’en fait sentir. Il faut pourtant reconnaître en fait qu’on a vu dans certains pays le numéraire disparaître presque entièrement sans cesser d’être utile, et ne reparaître point, quoique réclamé par de pressans besoins. En observant ce fait avec quelque attention, on reconnaît sans peine qu’il ne se produit jamais que dans les pays où la loi donne