Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 31.djvu/819

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
815
DU CRÉDIT ET DES BANQUES.

jamais en cela jusqu’aux limites du possible. Même réserve est imposée, et à bien plus forte raison, aux compagnies de banques, qui règlent et gouvernent le crédit. En outre, les uns et les autres doivent considérer toujours avec quelles gens ils traitent, et ne pas livrer leur crédit à tout venant. Quoique sûr de réaliser par l’escompte les billets qu’il recevra en paiement de ses marchandises, un marchand doit s’enquérir de la moralité et de la capacité de ceux à qui il les livre, afin de s’assurer si les billets seront acquittés à l’échéance. Hors cette restriction trop légitime, et la réserve que chacun doit s’imposer dans le présent pour ménager son avenir, il n’y a, quoi qu’on en ait dit, aucun terme à fixer à l’extension du crédit, et les restrictions autres que celles-là, qu’on a souvent prétendu lui prescrire, n’ont jamais été dictées que par les préjugés.

Que l’on se figure maintenant jusqu’où peut aller un crédit qui n’a de limites réelles que dans la production ! Qu’on se fasse une idée, s’il est possible, de l’immense mouvement d’affaires qui peut surgir de là !

Nous n’essaierons pas de tracer ici le tableau des avantages particuliers ou généraux qui peuvent découler d’un tel état de choses. Ce tableau nous mènerait trop loin, et il est d’ailleurs inutile. Qui dit abondance des capitaux, activité de la production, dit tout ; de là dérive la richesse publique comme le bien-être des individus. Qu’on nous permette seulement quelques réflexions

On se préoccupe vivement, et avec raison, depuis quelques années, des moyens d’améliorer la condition des classes ouvrières. Beaucoup d’esprits éclairés se sont exercés sur cette question si grave, les uns par un zèle pieux pour le bien de l’humanité, les autres par la terreur que leur inspire cette masse d’hommes, toujours dominée et souvent égarée par le besoin. Rien de plus légitime que ces préoccupations, rien de plus louable que ces travaux et ces études, quel qu’en soit le mobile ; mais en général, il faut le dire, on a procédé dans ces recherches à la manière des empiriques, qui vont droit au siége du mal, aux symptômes apparens, sans en approfondir la cause. C’est par des mesures directement applicables aux ouvriers qu’on a prétendu les relever de leur abaissement, comme s’il n’y avait pas entre toutes les classes de travailleurs, à quelque degré qu’elles soient placées dans l’échelle sociale, une solidarité étroite ; comme si les salaires des ouvriers se réglaient par d’autres lois que les lois générales de l’industrie et du commerce. Toutes ces études, tous ces travaux ont été et devaient être sans résultat. Le travail, et celui des ouvriers comme celui des maîtres, est une valeur commerciale sujette aux mêmes conditions que toutes les autres ; elle s’élève ou s’abaisse selon le rapport de l’offre et de la demande. Si elle est plus demandée qu’offerte, c’est-à-dire s’il y a relativement plus de travaux à exécuter qu’il n’y a de travailleurs, cette valeur s’élève ; dans le cas contraire, elle s’avilit. Il n’y a pas de règle plus infaillible. Partant de là, il faut reconnaître que l’unique manière d’élever les salaires et d’améliorer la condition des travailleurs, c’est d’améliorer la situation générale de l’industrie en activant la production. Toute mesure favorable à l’industrie en général est aussi favorable à la classe ouvrière en par-