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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 31.djvu/917

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UN POINT D’HONNEUR.

dinaire plus empressé, se décidèrent à entrer dans sa chambre. L’artiste était couché tout vêtu, le visage déjà très pâle. Quelques gouttes de sang ruisselantes et la vue des deux lettres cachetées sur une petite table près du lit, firent aussitôt pressentir le malheur trop réel. Julien, d’une main tremblante, brisa l’enveloppe de la lettre qui portait son nom, et la parcourut rapidement. Tout fut dès-lors expliqué. Il s’empressa de prodiguer des soins à son ami, qui respirait encore, aidé par les deux nobles femmes tout en larmes. Mais il restait peu d’espoir ; l’air qui pénétrait par la fenêtre qu’Albert avait laissée entr’ouverte, pour mourir en face du ciel, avait seul maintenu un reste de vie. Julien et Alix s’agenouillèrent au bord du lit, interrogeant d’un œil inquiet les derniers mouvemens de l’artiste. Ils tenaient chacun une de ses mains, tandis que la mère éplorée, au chevet de son fils, soutenait doucement cette tête précieuse. Albert ne devait plus laisser échapper qu’une lueur fugitive de vie dans laquelle tout son cœur parut se ranimer. Par un mouvement instinctif, il rapprocha les mains de Julien de celles d’Alix, et les tint un moment pressées ; puis il laissa tomber un dernier regard, qui fut comme une bénédiction muette, sur ces deux êtres chers que depuis long-temps sa pensée avait unis.


Dessalles-Régis.