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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 31.djvu/997

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L’AFRIQUE SOUS SAINT AUGUSTIN.

moitié des œuvres nécessaires à la vie ; en Orient, l’homme a une disposition naturelle à croire au gouvernement de Dieu sur la terre et à s’y soumettre. Aussi, tandis que Rome hésitait à condamner Pélage, et que le pape Zozime semblait même pencher vers sa doctrine, l’Afrique et saint Augustin en tête, au concile de Carthage, en 417, proclamait hautement la toute-puissance de la grace divine.

Nous avons essayé de montrer comment le génie de l’Afrique perçait dans les croyances de l’église africaine, et comment, par le donatisme, l’Afrique visait à l’indépendance qui lui convient, et, par la doctrine de la grace, tendait presque déjà vers la fatalité mahométane ; mais, dans ce tableau, nous n’avons vu que l’ardeur de la foi religieuse poussée dans les circoncellions jusqu’au fanatisme le plus cruel. Ce n’est pas encore là toute l’Afrique. En Afrique comme dans le reste du monde romain, pendant le IVe siècle et le commencement du Ve, beaucoup d’hommes flottaient encore entre le paganisme et le christianisme. Les paysans et le peuple défendaient leurs idoles les armes à la main, et les lettrés mêlaient les deux croyances, essayant de se faire une religion éclectique. C’est cette confusion des idées et cette hésitation des croyances qu’il nous reste à peindre, à l’aide des traits que nous trouvons dans saint Augustin. Cette peinture achèvera le tableau de l’Afrique au IVe et au Ve siècle. Bien qu’au premier moment on ne voie pas quelle analogie il peut y avoir de ce côté entre l’Afrique d’aujourd’hui et l’Afrique de saint Augustin, ni de quelle utilité peut être pour nous une pareille étude, j’essaierai cependant de la faire, et un très curieux ouvrage de M. le général Duvivier, intitulé Solution de la question de l’Algérie, nous servira à montrer entre l’Afrique religieuse du Ve siècle et l’Afrique du XIXe quelques traits de ressemblance imprévus et pleins d’enseignemens.


Saint-Marc Girardin.