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s’appellent et se complètent : il est impossible de les séparer absolument. Se résigner tout d’abord et accepter ces conditions m’eût semblé de meilleur goût. À ne considérer, en effet, la Satire Ménippée que dans ses conséquences, à ne la juger que comme une bataille, comme un évènement, il y avait lieu encore à un perpétuel contrôle, à un important examen. La lutte, le duel, s’étaient accomplis en quelque sorte aux yeux des siècles, et, puisqu’une occasion se rencontrait de rappeler l’attention sur un champion vaincu et oublié, il fallait, au moins, le rapprocher de l’adversaire victorieux, et les mettre tous deux en présence.

C’est ainsi que l’histoire les verra désormais ; c’est ainsi, sans les isoler, que la critique se fera à l’avenir un devoir d’entendre chacun à tour de rôle, l’accusé après l’accusateur. Pour les faits comme pour les lettres, je ne doute pas qu’il n’y ait là plus d’un enseignement utile à tirer. L’un des côtés les moins connus de la ligue, l’un des plus précieux monumens de la prose française, s’en trouveront, en plus d’un point, éclairés. Quant aux conséquences dernières, quant aux jugemens qu’il y a à déduire de ce nouveau document historique et qui ressortent d’un examen attentif et impartial, ils sont de plusieurs ordres, ils sont généraux ou particuliers, ils peuvent se rapporter à l’assemblée même des états ou à la ligue en général. En ce qui touche proprement les états, je n’ai pas déguisé, on l’a vu, à quels résultats sévères l’étude m’avait naturellement conduit : je n’ai fait que garder l’opinion des écrivains contemporains et des historiens postérieurs ; mon impression a été tout simplement la même, et je nie qu’il y ait lieu le moins du monde à la réhabilitation que désire, mais que n’ose pas demander ouvertement M. Bernard. Si on passe aux déductions qu’il est possible de tirer de ces procès-verbaux quant à l’Union elle-même, il est évident qu’elles sont nombreuses, qu’elles sont tristes et qu’elles ne mènent pas, on doit le dire haut, à l’indulgence. Il importe cependant de prendre garde et de se méfier des conclusions anticipées ou hasardeuses. À l’époque de la convocation des états, la ligue, en effet, n’avait plus rien de cette grandeur apparente que lui avait prêtée un instant le rôle qu’elle semblait appelée à jouer dans la grande contre-révolution catholique de la seconde moitié du XVIe siècle, dans cette légitime résistance du Midi à l’esprit insurrectionnel du Nord, dans cette puissante lutte enfin du catholicisme contre la réforme. À cette date, la conversion de Henri IV paraissait imminente, et la ligue en son déclin n’était plus guère soutenue que par l’ambition persistante de Philippe II. Aussi, quand les états se réunirent, ils ne surent que réveiller les fermens les plus odieux de cette étrange insurrection. Une bonne part revient donc à cette assemblée dans les justes sévérités de la critique à l’égard de l’Union. La honte éternelle de la ligue, aux yeux de l’avenir, sera d’avoir ajouté un chapitre aussi bien à l’histoire d’Espagne qu’à l’histoire de France ; la gloire au contraire de la Satire Ménippée sera d’avoir dévoilé les fauteurs de l’étranger et servi la cause nationale.

Les grandes époques, comme les époques honteuses, sont bonnes à étudier ;