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sionomie soit belle, c’est-à-dire qu’elle se rattache par quelque côté aux règles éternelles du beau. Ces règles existent donc ; il n’est pas vrai que tout soit relatif, comme il n’est pas vrai que tout soit absolu. Il y a plus : s’il fallait absolument faire un choix entre les deux extrêmes, nous aimerions mieux la tendance à un type unique de beauté que la recherche exclusive de la variété. Ce qui est humain et général est supérieur à ce qui est national et individuel ; le premier est le produit libre et réfléchi de l’esprit humain travaillant sur lui-même, le second n’est que le résultat passif d’une sorte de fatalité.

Le type le plus accompli du genre historique est sans contredit l’histoire antique. Il serait sans doute plus glorieux de trouver ce modèle que de l’imiter, mais il est trouvé ; les modernes ne peuvent que l’étudier pour s’en inspirer. Sans doute, on peut dire qu’il ne faut pas le reproduire trop exactement, trop servilement, et qu’il a besoin d’être modifié suivant les temps et les pays. On peut reprocher à Mendoza d’avoir été trop loin dans son obéissance, et on verra bientôt que cette opinion est la nôtre. Mais l’abus ne prouve rien contre l’usage ; ce n’est pas l’imitation de l’antiquité qu’il faut blâmer en elle-même ; nous devons à cette imitation toutes les grandes littératures de l’Europe moderne, à commencer par la nôtre. C’est du moment où elle a régné que date le réveil de l’esprit humain dans les arts, les lettres, les sciences même, après le sommeil du moyen-âge. Mendoza est un de ceux qui, par leur vie entière comme par leurs écrits, ont le plus contribué à la renaissance en Europe, et il est à la tête de ceux qui l’ont transportée en Espagne. À ce double titre, il mérite encore plus que de l’admiration, il mérite de la reconnaissance.

Ce qu’on appelle le style, cet art particulier qui tient au langage lui-même, nous vient en particulier de l’antiquité latine. Ce n’est pas sans motif que le mot qui sert à désigner le style est d’origine latine ; le style est latin comme son nom. La littérature grecque brille par la richesse, l’inspiration, l’invention ; la littérature latine, moins abondante, moins spontanée, cherche la perfection dans le détail et crée le style. Le style est la grande originalité des Latins. Virgile est un des plus pauvres inventeurs qui aient existé ; il ne trouve rien par lui-même ; il ne sait que recueillir de tous les côtés des lambeaux de poètes grecs, les arranger, les coudre ensemble. Qu’a-t-il donc pour lui ? Il a le style. Mais il a autant de génie dans le style qu’Homère en a pu avoir dans la création de son monde épique. Il sait mettre dans un seul vers des trésors de poésie. Les autres écrivains latins