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CORDOUE ET SÉVILLE.

ami de José Maria, qui nous avait accompagnés, et lui arracha cette phrase un peu hérétique : — Ne vaudrait-il pas mieux donner cet argent à un brave bandit qu’à un méchant sacristain ?

En sortant de la cathédrale, nous nous nous arrêtâmes quelques instans devant un joli portail gothique qui sert de façade à l’hospice des enfans trouvés. On l’admirerait partout ailleurs, mais ce voisinage formidable l’écrase.

La cathédrale visitée, rien ne nous retenait plus à Cordoue, dont le séjour n’est pas des plus récréatifs. — Le seul divertissement que puisse y prendre un étranger est d’aller se baigner au Guadalquivir ou se faire raser dans une des nombreuses boutiques de barbier qui avoisinent la mosquée, opération qu’accomplit avec beaucoup de dextérité, à l’aide d’un rasoir énorme, un petit frater juché sur le dossier du grand fauteuil de chêne où l’on vous fait asseoir.

La chaleur était intolérable, car elle se compliquait d’un incendie. La moisson venait de finir, et c’est l’usage en Andalousie de brûler le chaume lorsque les gerbes sont rentrées, afin que les cendres fertilisent la terre. La campagne flambait à trois ou quatre lieues à la ronde, et le vent qui se grillait les ailes, en passant sur cet océan de flamme, nous apportait des bouffées d’air chaud comme celui qui s’échappe des bouches de poêles : nous étions dans la position de ces scorpions que les enfans entourent d’un cercle de copeaux auxquels ils mettent le feu, et qui sont forcés de faire une sortie désespérée ou de se suicider en retournant leur aiguillon contre eux-mêmes. Nous préférâmes le premier moyen.

La galère dans laquelle nous étions venus nous ramena par le même chemin jusqu’à Écija, où nous demandâmes une calessine pour nous rendre à Séville. Le conducteur, nous ayant vu tous les deux, nous trouva trop grands, trop forts et trop lourds pour nous emmener, et fit toute sorte de difficultés. Nos malles étaient, disait-il, d’un poids si excessif, qu’il faudrait quatre hommes pour les soulever, et qu’elles feraient immanquablement rompre sa voiture. Nous détruisîmes cette dernière objection en plaçant tout seuls et avec la plus grande aisance les malles ainsi calomniées sur l’arrière de la calessine. Le drôle, n’ayant plus d’objections à faire, se décida enfin à partir.

Des terrains plats ou vaguement ondulés, plantés d’oliviers dont la couleur grise est encore affadie par la poussière, des steppes sablonneuses, où s’arrondissent de loin en loin, comme des verrues végé-