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REVUE DES DEUX MONDES.

« Ma mère me dit : — Puisque nous sommes en route, nous irons toujours voir mon amie.

« Nous arrivons chez Mme Fontil. On veut nous retenir à dîner ; ma mère accepte ; moi je dis que je suis horriblement malade ; ma mère veut rentrer avec moi ; j’insiste pour qu’elle reste : enfin nous repartons et nous rentrons à la maison ; mais, soit qu’il ne fût pas rentré, soit qu’il fût déjà sorti, je ne l’ai pas vu au jardin. Le résultat de ma journée a été de fâcher trois personnes, M. Cerny, ma mère et Mme Fontil.

« Mais que me fait le reste du monde ? »

XXXIII.
Mme ERNSBERG À Mme D’ACHEVILLE.

« Il est arrivé cette nuit, ma chère amie, la chose la plus étrange qui se puisse imaginer. Je viens de l’apprendre seulement ce matin par ma mère, qui est entrée fort en colère chez moi en me disant qu’il fallait chasser Célestine.

« Imaginez-vous que vers minuit ma mère, qui, comme presque tous les gens âgés, s’endort difficilement, entendit dans le salon un bruit inaccoutumé. Elle se pique d’être brave ; elle alluma une bougie et alla voir ce que c’était. Elle avoue que son courage faillit l’abandonner lorsque, mettant la main sur la clé du salon, elle entendit des pas furtifs sur le tapis. Sa valeur était montée au degré nécessaire pour aller s’assurer qu’il n’y avait personne et qu’il ne se passait rien ; mais elle ne s’était pas attendue à un réel sujet d’alarmes. Cependant elle se rassura et ouvrit la porte. À ce moment, un homme, caché dans un rideau, souffla sa bougie, passa derrière elle et gagna la porte du carré, par laquelle il sortit de l’appartement. Ma mère, demi-morte de frayeur, sonna ma femme de chambre, qui vint fort troublée, à ce que dit ma mère ; elle ralluma sa bougie, s’assura qu’on n’avait rien volé, et défendit qu’on m’éveillât. Elle passa le reste de la nuit à réfléchir sur cet évènement, mais le trouble de Célestine lui fit construire la fable que voici.

« Tout le monde, dit-elle, était couché dans la maison déjà depuis quelque temps, et Célestine, quand elle la sonna, n’était pas encore déshabillée ; il est évident, ajoute-t-elle, que l’homme que j’ai surpris n’est autre qu’un galant que cette fille a caché dans le salon, afin