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DE L’UNION COMMERCIALE.

Quant à nos vins, la Belgique en consomme autant que l’Angleterre, qui nous offre cependant un marché six fois plus étendu.

Les Belges travaillent avec économie, mais leurs produits sont généralement grossiers ; ils recherchent le bas prix beaucoup plus que la qualité. La division du travail et la concentration des capitaux existent chez eux beaucoup moins qu’en France. À l’exception du petit nombre d’usines que possède la Société générale, de celles que la Banque de Belgique avait créées avec des capitaux français, de l’établissement de Seraing et de deux ou trois fabriques à Verriers, nulle part l’industrie de ce pays ne possède, comme en Angleterre, ces moyens gigantesques d’exportation avec lesquels on approvisionne et l’on encombre les deux hémisphères. Les armes sont donc égales, et l’harmonie peut s’établir.

Nous devons cependant signaler une différence de situation qui a fourni à nos manufacturiers leurs argumens les plus spécieux. Les capitaux sont divisés en Belgique comme chez nous, mais ils s’associent plus facilement. Le crédit n’a pas plus d’étendue, mais il est d’une autre nature. En France, les capitalistes commanditent principalement le commerce ; en Belgique, ils prêtent à l’industrie.

Prêter à l’industrie, c’est prêter à long terme, car les établissemens industriels ne participent pas, au même degré que les comptoirs de commerce ou d’escompte, au bénéfice de la circulation. Un négociant, un armateur a la chance de renouveler, au moins une fois dans l’année, le capital qui alimente ses opérations ; ses envois et ses rentrées, ses achats et ses ventes se font à des échéances fixes qui donnent une certitude presque mathématique aux engagemens qu’il a contractés. Un manufacturier, au contraire, n’est jamais certain de vendre et ne sait pas toujours quand il doit acheter ; en outre, une partie de son capital est immobilisée par destination. L’argent qu’on lui avance pour construire des machines et pour élever des bâtimens d’exploitation ne peut rentrer dans les mains du prêteur que par la voie lente de l’épargne et de l’amortissement, ou au prix d’une expropriation judiciaire qui détruit ou annule souvent en partie la valeur du gage sur lequel la créance est hypothéquée. Ces risques, inhérens à la commandite industrielle, en détournent les associations, qui pourraient l’entreprendre avec avantage parce quelles l’exerceraient avec libéralité ; elle a été jusqu’ici exclusivement du ressort des individus qui recherchaient un placement usuraire pour leurs capitaux.

La Belgique est peut-être le seul pays de l’Europe où l’industrie manufacturière ait trouvé une commandite, non pas illimitée comme en Angleterre, mais systématiquement organisée. Le papier-monnaie, qui sert de véhicule au crédit commercial et qui n’est qu’une lettre de change universelle, n’a pas une circulation très étendue en Belgique ; il semble même que l’on n’en éprouve pas le besoin[1]. Trente millions de francs, en monnaie de banque, suffisent

  1. « D’une part, le gouvernement actuel n’a jamais accordé qu’avec répugnance l’autorisation d’émettre du papier-monnaie ; le public, de son côté, a toujours